drivewithadeadgirl

Drive With A Dead Girl
How It Begins – CD
self-released 2024

How It Begins ? Directement dans le vif du sujet. Un morceau d’ouverture, Memphis Town, pris en cours, en plein milieu d’une phrase. Noyé dans un brouillard de parasites toxiques, une couche salement noisy donnant l’apparence d’un son haché, grouillant, qui se dévore de l’intérieur et une belle agitation, un tourbillon auquel je ne m’attendais pas. Après cinq ans de silence, une pause qui n’avait jamais été si longue et un Scorpion qui était passé à l’as alors que cette gazette était restée à Reign Falls, Drive With A Dead Girl revient gonflé à bloc.
Onzième album en dix-sept années d’existence, How It Begins va pourtant parfaitement s’inscrire dans leur copieuse discographie et représente une de leur plus belle pièce. Passé ce coup de grisou flamboyant, le groupe lillois reprend le fil d’une atmosphère en pointillés, des clairs-obscurs aussi acérés que fragiles avec en toile de fond un allant et un fracas à l’apparence plus soutenus que d’habitude. How It Begins n’affiche que six titres mais ils s’allongent sur la durée pour déployer un souffle dont le groupe semble continuellement manquer, au bord de la rupture, c’est sûr, ça va se casser la gueule bien que l’équilibre semble moins précaire ce coup-ci. Mais Drive With A Dead Girl continue sa route emplie de mystères, un truc niché au coeur des compos et qui est insondable. On pense pouvoir le comprendre, le toucher du doigt mais c’est comme l’horizon, plus on s’en approche, plus ça s’éloigne.
Alors on se laisse bercer et envahir, pas d’autres solutions, par ce chant vous embarquant dans d’étranges hauteurs comme sur Mandarine qui fait pleurer comme une madeleine. Ou par ces mélodies chancelantes, profondément mélancoliques, touchantes et envoûtantes dont Drive With A Dead Girl a le secret, capable de partir comme des ritournelles inoffensives sur les dix minutes de Pink Melody puis de glisser et s’emballer vers des effluves plus acides et bruyantes et revenir à une douceur un brin inquiétante. Un entre-deux régulier entre la caresse et la griffure, une grande émotivité et des emportements fébriles, un gros sentiment d’accablement et le fait de pouvoir s’envoler au-dessus de toutes les turpitudes terrestres. Réussir à être grave et léger, c’est le miracle perpétuel de Drive With A Dead Girl.
Climat général sans cesse troublant, des silences qui en disent long et des tumultes qui ne font que grandir, s’enflammer, exploser. Avec une guitare aux multiples visages et sonorités (on croirait même entendre un violoncelle sur le superbe Spelt By The Rain), une batterie à deux de tension mais qui sait se faire entendre quand il faut hisser le volume, une production qui va toujours à l’essentiel, âpre, au cordeau, le quatuor du nord promène son spleen avec toujours autant d’éclat. Une façon discrète et obsédante d’être là sans être là, sentiment idéalement incarné par la vidéo de How It Begins, ultime titre à la torpeur magnétique qui passe comme un mirage.

SKX (03/06/2024)