aseethe
thrilljockey


Aseethe
The Cost – LP
Thrill Jockey records 2024

Cinq années séparent Throes de The Cost pendant lesquelles le trio (bien qu’ils soient quatre à poser sur la photo de leur site) de l’Illinois s’est fait discret. Aseethe revient cependant avec une volonté identique pour imposer sa patte sur la vaste étendue des musiques lourdes. Neurosis reste un baromètre fiable dans le périmètre de Aseethe avec Sumac qui veille pas très loin. Sur cette base, Brain Barr (guitare baryton, chant), Eric Diercks (batterie) et Noah Koester (basse, chant) continuent d’explorer et d’élargir une palette aussi bien sonore qu’émotionnelle.
The Cost, seulement quatre titres fonctionnant par paire. Au début et à la fin, deux colosses étendant leurs tentacules entre douze minutes et près d’un quart d’heure. Au milieu, deux compos pas franchement courtes mais au propos plus directs et ravageurs. Pour un ensemble qui ne fait qu’une longue complainte hostile et dévastée. Au milieu d’un champ de drones, d’un paysage de désolation, de rythmes massifs, de riffs carnassiers, de sonorités qui bouffent les entrailles, d’arpèges funestement beaux, d’un double chant qui fait aussi la paire et très complémentaire entre une voix douloureusement rauque et l’autre fielleuse prête à mordre.
Pour un résultat arrivant à être abrupt et grandiose (mais jamais grandiloquent), dense et spacieux. Un tour de force rendu possible par la maîtrise des éléments où chaque détail du tableau compte, où la violence et la répétitivité des coups ne sont jamais une fin en soi, où l’amplitude et l’envolée des mouvements sont vérolées par une sinistre intensité remettant instantanément les pieds sur terre (et un peu plus bas que ça même). Les charges infernales (la fin scotchante de The Air Is Caving In où ça cogne méchamment dur) sont traversées par des drones grouillants de mauvais présages. Et quand on pense arriver au bout d’une lourdeur suffocante, des synthés imitant des violons débarquent pour la dernière minute de Irrelevance et c’est à se liquéfier. C’est moins le cas sur la fin du titre d’ouverture The Cost où l’épisode dronique s’étire un peu trop longuement sans vraiment apporter une plus-value à l’ambiance. Tout le contraire de son frère jumeau Irrelevance débutant lui aussi par de longs drones comme une suite maléfique, avec grincements, triturations et sifflements anxiogènes, mais autrement plus consistants et installant une vraie atmosphère prenante.
The Cost
possède une sourde et intense puissance, une aura furieusement sombre et pénétrante (Last Time I Do Anything For A Fucking Friend Ever est un bel exemple de persuasion en plus d’avoir un titre suintant le vécu), une fausse lenteur vénéneuse capable d’exploser subitement, c’est à dire autant d’exemples bien connus dans le monde des musiques heavy/post-metal/sludge. Mais Aseethe va plus loin que ces esthétiques, complique les structures, enrichit la trame sonore, brouille les pistes, agence de manière personnelle des émotions revêches qui n’en font jamais trop, aussi brutales que poignantes, trouvant ainsi son propre territoire pour imposer un album qui a de bien belles choses à raconter. Magie noire.

SKX (16/12/2024)