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Arrrgo
Mare – LP
Vollmer Industries/Sonatine Produzioni/Hukot Disc/Plug In The Gear/Intrepido Discos/Bar Marfil records 2024

C’est en 2021 que Arrrgo annonçait son album. Qui aura attendu que le groupe digère ses changements de personnel, que les tribulations angoissantes du monde moderne s’estompent et que les planètes s’alignent enfin pour sortir en avril 2024. Mare et c’est un beau pavé que le trio jette dedans. Même si bien sûr ce Mare là n’a rien à voir avec le français (mais la mer n’est pas loin).
Un groupe qui aime brouiller les pistes d’ailleurs. Arrrgo se présente comme un groupe espagnol basé à Barcelone mais à part sur un titre (Don Benito), le chant s’exprime en italien.
Par contre, il est clair que le trio est attiré par le noise-rock école Chicago, sec et qui claque. Enregistré dans son propre studio par un des membres du groupe, Milo Gomberoff, qui ne cache pas son admiration pour le défunt gourou à lunettes avec qui il avait passé un stage d’une semaine et qui l’a grandement inspiré dans la conception de son Estudio Hukot, Mare bénéficie d’un son à la Albini, ce qui devrait tout de suite vous guider vers la teneur musicale qui se trame.
Mais comme la vie n’est pas qu’une histoire de matos, de micros et réglages (de) maniaques, Arrrgo a mis aussi tout son savoir-faire et plus encore son cœur dans neuf compos que la finesse dispute à la précision, cherchant la classe plutôt que la baston, la vibration à la technicité. Pas de violence gratuite chez Arrrgo. Pas de plans tarabiscotés. Mais une mécanique impressionnante parfaitement harmonisée, une rythmique princière et rutilante qui frappe mais qui frappe juste ce qu’il faut, une guitare étincelante qui fait un bruit d’aluminium, une tension à fleur de peau et de la trompette sur Mentre Il Mare Muore.
De Tar à White Tornado, Arrrgo se promène sur un fil électrique nerveux, soupèse chacune de ses offensives, intensifie le propos jusqu’à la limite du craquage, place quelques attaques biens senties, rajoute éventuellement une couche de pression en insistant sur des mesures rythmiques, mord et revient tel un félin, calme et sûr de sa force. Et ce qui est vraiment appréciable, c’est que ce noise-rock là est loin d’une froideur calculée. Il n’hésite pas à montrer ses émotions, à se laisser aller dans des passages qui tordent les boyaux, à répandre la rage comme un feu intérieur qui bouillonne. Le chant est agité, l’urgence au bord des lèvres, même quand il parle. Des mélodies sur la corde raide et forgées dans le fer crépitent pour mieux illuminer, surgissent au détour de structures plus élaborées (Dimitri, Avanti Tutta, Preistorico) développant une sacré addiction ou qui vous magnétise instantanément dans un déroulement de morceaux sans fausse note à l’écriture racée et sublime. Cet album qui attendait patiemment dans l’ombre depuis trois ans éclate au grand jour. Un noise-rock de compétition, une grandiose révélation.

SKX (17/07/2024)