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Woorms & The Grasshopper Lies Heavy
Various Plants And Animals Under Domestication – LP
Forbidden Place records 2022

Various Plants And Animals Under Domestication ne va pas causer flore et faune mais ouvrir un nouveau chapitre sur le ramonage en milieu périurbain et les ravages de la pratique du yoga. Et encore moins sur la domestication car question précarité de la situation et drogues de synthèse, Woorms et The Grasshopper Lies Heavy sont des esthètes. Pas demain que vous allez les apprivoiser et qu’ils serviront de guides pour une promenade à travers les sables mouvants puisqu’ils sont les sables mouvants.
C’est pour ça que les trois premiers titres de The Grasshopper Lies Heavy sont dans la droite lignée de leur précédent album. C’est malin. Mais à défaut de surprendre, accrochez-vous, l’époque est aux tempêtes et celle-ci est une soufflante à nouveau mémorable. Lourdeur, puissance, vitesse, riffs aussi massifs qu’agiles, plans diaboliques qui tournoient dans un ciel très noir, le trio texan est très remonté. Si vous voulez savoir pourquoi, regardez la vidéo de Indifference Apocalypse et jusqu’au bout avec les sous-titres qui mettent la rage et c’est pas parce que vous avez mal aux dents. Vous comprendrez pourquoi ça gueule si fort et surtout pas dans le vide et que ces morceaux font encore plus de bordel, remue les chairs et le gras mais avec discernement et que même ça fait un bien dingue. Aller voir ailleurs où on les attend pas (ou moins parce qu’on connaît quand même leur pedigree), il faut attendre le quatrième morceau et les huit minutes et quelques de Unending Mediocrity. L’instrumental qui plane et rend le lever de soleil sur les containers plus beau, plus crépusculaire, ces accords qui serrent la gorge et c’est pas à cause du froid, majestueux comme un dimanche matin sous la rosée blanche avant l’ouverture de la chasse, ce lent et dramatique déroulement, c’est également le fait de The Grasshopper Lies Heavy, le même qui écrasait tout sur son passage quelques minutes auparavant. C’est pour ça que ce trio est unique et qu’on l’adore.
Avec Woorms, la confrérie des auberges va encore se gaver parce qu’on en est pas sorti. Le trio est originaire de Baton Rouge. Et on sait très bien que dans les eaux de la Louisiane, les atomes ne sont pas ceux qu’on croit. Point d’oxygène et d’hydrogène, crochus par contre avec un tas de vermines dont la réalité quotidienne est une longue histoire de turpitudes à peine croyable, de rebondissements malsains, d’un labeur pour creuser toujours plus loin dans un imaginaire qui va pas les sauver mais rendra la douleur moins pénible. Alors si Melvins est régulièrement cité pour évoquer Woorms qui compte trois albums à son compteur déglingué, le titre de ce split les fume. Dans tous les sens du terme. Areola Borealis affiche sans complexe 21 minutes 16 même si les dernières secondes portent précisément pour nom Shit Whistle parce qu’effectivement, ce sont de merdiques gazouillis d’oiseaux. Psychédélique est certainement le terme qui convient le mieux à cette envolée cosmique. Dans les mains de Woorms, ce mouvement ascensionnel censé rester en apesanteur prend quand même un sale coup dans les gencives, fait mordre la terre, la fait avaler avec un bon goût de sludge rampant et un gros sentiment de désarroi. La bestiole est dur au mal, le chant est un chien qui a la mâchoire en fer, c’est lancinant et bizarrement intense (mais tout est bizarre dans ce titre) et mon tout fait passer sur les douze premières minutes l’envie de s’envoyer en l’air. Une fois que vous avez pris ce long coup de semonce qui tient en haleine, il est permis de décrocher. Mais ce sample d’une voix féminine angoissée et cette fausse indolence dans une mélodie qui en devient presque dérangeante sous ses dehors enfumés rappellent que rien n’est facile, rien n’est donné et qu’il va falloir subir jusqu’au bout sans broncher. Même la guitare acoustique, le patchouli et les gazouillis. Je m’étonne à chaque fois de ne pas fuir.
C’est quand même chier la nature.

SKX (17/01/2023)