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Trombe
Cheval Rodeo – LP
Urticaria/Utilité Zéro/STNT records 2022

Pour le coup, Trombe est un groupe qui a très mal porté son nom. Cheval Rodeo, le deuxième album du duo nantais, a pris tout son temps pour débarquer. C’est que le vinyle sait se faire désirer. Jusqu’à l’excès avec une bonne dose de n’importe quoi. Mais Cheval Rodeo a fini par pointer le bout de son museau fin 2022. Et comme la rapidité n’est pas une qualité très en vue chez la gazette internet que vous avez à l’écran, Cheval Rodeo a pris huit mois de plus dans les pattes pour se faire aborder. A tel point que Trombe, qui cette fois-ci justifie pleinement son nom, a déjà publié à toute allure un troisième album, Déluge, qui s’est abattu sur nos frêles épaules en juin dernier. Malin, Trombe l’a sorti uniquement en CD.
Erwan Cornic et Thomas Beaudelin (Carver) chevauchent à nouveau leurs instruments (respectivement batterie et sax) et foncent dans le free-jazz avec encore plus de force et de consistance que sur leur premier album. Ces deux gaillards n’ont pas oublié leurs racines, tout ce monde rock et noise qui a formé leur jeunesse et continue de nourrir leur présent. Alors forcément, la fusion des deux donnent un Cheval Rodeo bouillonnant et trépidant à l’énergie punk. Accrochez vous à la selle. Et si c’est à cru, accrochez-vous encore plus.
D’ailleurs, le titre d’ouverture s’appelle La Monte Du Cheval Avec Et Sans Selle et il est très représentatif de ces piaffements free, ces crépitations bruitistes construisant crescendo une intensité ne demandant qu’à déborder et finissent par éclater dans une énorme et jouissive gerbe libératrice, un galop jusqu’à l’essoufflement et euphorisant (Course De Barils est pas mal dans le genre également).
Cheval Rodeo n’est cependant pas qu’une question d’énergie et de déflagrations pleines de freeture qui en mettraient de partout. Trombe sait aussi travailler les ambiances sur la longueur (les onze minutes de Prise De Veau Au Lasso qui nous fait la totale), tempérer ses ardeurs, jusqu’au quasi silence sur tout le début des huit minutes de Terrassement Du Bouvillon (vraiment mieux quand les morceaux possèdent de vrais titres), fignoler les détails, les sons. C’est d’ailleurs parfois difficile de croire qu’une seule batterie et un seul saxophone peuvent créer toutes ces sonorités étranges (notamment sur Course En Sauvetage), créer toutes ces atmosphères mystérieuses, sans effet, sans ajout mais avec plein d’idées et de dextérité. Dans ce dédale de déconstruction, de perte de repères et de structure propre au free-jazz, le duo fait preuve d’une complémentarité et d’une écoute toujours plus grande pour ne jamais vous laisser au bord de la route, quand bien même le chemin devient plus ardu pour les profanes. S’embarquer sur Cheval Rodeo, c’est ne pas trop savoir où ça va nous mener mais être certain que ça va secouer, qu’on va en prendre plein la vue, être déboussolé et que le voyage vaudra toujours le détour.

SKX (24/08/2023)