sprain
flenser
|
Sprain
The Lamb As Effigy or Three Hundred And Fifty XOXOXOS For A Spark Union
With My Darling Divine 2xLPs
The Flenser records 2023
Cest une drôle dépreuve qui vous attend avec
The Lamb As Effigy, nouvel album de Sprain. Plus dune heure
et demie découpée en huit morceaux, un double-album qui
voit des titres senvoler au-delà des vingt minutes, une liste
dinstruments qui file le vertige et les invités qui vont
avec. Il est loin le temps où Alexander Kent, la tête pensante
du groupe qui soccupe du art direction, grattouillait sa guitare
avec April Gerloff et des amis de passage un slowcore lo-fi inoffensif.
Le groupe de Los Angeles avait déjà organisé sa mue
avec le précédent As
Lost Through Collision mais là, Sprain explose les plafonds
dans les grandes largeurs. Et cest à vos risques et périls.
Un trivial À boire et à manger aurait pu être
lautre sous-titre de The Lamb As Effigy plutôt que le fleur
bleue Three Hundred And Fifty XOXOXOS For A Spark Union With My Darling
Divine. Cest pas lambition et la démesure qui étouffent
Sprain qui nage totalement à contre-courant avec ce genre de concept
quand tout autour de soi, il suffit de claquer des doigts pour avoir douze
nouveaux albums et trois séries TV à ne pas manquer à
la minute. Lécoute nécessite de lendurance,
de la témérité. Cest exigeant, ça fait
mal, ça met dans tous ces états. Cest exaltant, déroutant,
ennuyeux. Ça met des baffes énormes quand cest pas
toi qui a envie de leur foutre des baffes, cest magistral ou éreintant.
Cest quitte ou double. Avec parfois le sentiment dêtre
ni pour ni contre parce que tu ne comprends pas bien et tu es perdu.
The Lamb As Effigy dépasse la notion de rock, de noise,
de punk. Il se veut aussi symphonique, minimaliste, orchestré,
prog, invoque aussi bien Swans que Iannis Xenakis, Don Caballero que Philip
Glass. Il fracasse tout, commet des ravages irréparables et se
joue du silence, glisse dans un souffle de violons. Et cest quand
il est tendu, violent, accidenté, déchiqueté avec
la carte du noise-rock restant la plus en vue que Sprain est prodigieusement
bon. The Lamb As Effigy aurait pu sarrêter aux quatre
titres de la face A, il aurait été parfait. Man Proposes,
God Disposes, Reiterations, We Think So Ill Of You et
à un degré moindre Privilege Of Being, cest
du grand art. Même avec loption expérimentale, bruitiste,
dissonances extrêmes, éclatement des structures, ce sont
des morceaux où la folie guette et (tant quà faire)
explose, éructe, ça vous tord les boyaux et cest magnétique
en plus dêtre incroyablement conçu.
Cest après que ça se corse. Que Sprain emmène
le noise-rock vers des territoires inconnus pour se créer son propre
monde, sa propre tragédie. Kent se lance sans réserve comme
un prédicateur taré, hurle, marmonne, sanglote et tout ce
qui est possible de faire avec une voix, sorte de Jamie Stewart (Xiu Xiu)
et Charlie Looker (Extra Life) et bien dautres visages se débattant
dans une infernale culpabilité. Jusquà toucher linsupportable
au bout des 24 minutes de God, Or Whatever You Call It ou se prendre
pour un chanteur dopéra azimuté sur les autres 24
minutes de Margin For Error. De la retenue dans toute cette profusion
naurait pas fait de mal mais ce nétait pas le propos.
Lhypertrophie des compos, la complaisance dans laquelle Sprain parfois
se vautre font partie intégrante du scénario. Cest
tout ce qui en fait sa grandeur, son originalité, son agonie et
qui vous épuise.
Les drones, les carillons, le long bruissement symphonique et épique,
voir cinématographique de Margin For Error qui ne finit
jamais, les coulées de violons, les feedbacks, les silences, les
grosses louchées de claviers qui prennent les devants sur les plus
de dix et douze minutes de The Commercial Nude et The Reclining
Nude pouvant être considéré comme un morceau élaboré
à partir dun bois identique, les fragments de bruits qui
pendouillent ou déchirent violemment lair, les guitares arachnéennes,
la richesse des sons qui ne disent pas leur provenance, les embrouilles,
les longueurs, une soudaine beauté qui se dégage de tout
ce maelstrom comme sur la fin de The Commercial Nude, les grands
coups de lattes dans les cymbales et bien dautres micro évènements
dont on ne fera jamais le tour, cest tout ça The Lamb
As Effigy et je vous souhaite bien du courage.
Majestueux et monstrueux. Oppressant, stressant et édifiant. Et
comme il fallait un dernier coup déclat après un disque
hors-norme, Sprain sest sabordé il y a quelques jours. Comme
si Sprain avait été au bout de lui-même et savait
quaprès une telle débauche, jamais il naurait
pu faire mieux et autrement.
SKX (24/10/2023)
|
|