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Oxbow & Peter Brötzmann
An Eternal Reminder Of Not Today - Live At Moers - 2xLPs
Trost/Sleeping Giant Glossolalia records 2022

Voir Oxbow programmé au festival international de jazz de Moers en Allemagne n’avait rien de surprenant. C’était à l’occasion de la sortie du controversé album Thin Black Duke. Celui justement avec l’orchestre classique, les musiciens à foison et tout le décorum plus chic. Mais ce n’était pas pour jouer du Oxbow solo. C’était pour une collaboration avec la pointure free-jazz Peter Brötzmann sur une idée du programmateur Tim Isfort. C’était le dimanche 20 mai 2018. Oxbow avait déjà joué avec le fils, Caspar Brötzmann. Ce fût au tour du père.
Une idée qui ne pouvait que plaire à Oxbow, groupe très ouvert, de plus en plus ouvert musicalement. On se demande d’ailleurs ce que leur nouvel album prévu pour cette année nous réserve (et on croise les doigts). Un groupe de défi qui n’aime pas le confort. Tout comme Peter Brötzmann qui aime repousser ses limites. Il avait déclaré juste avant cette collaboration prend goût à (re)jouer des morceaux avec des structures plus claires, être fatigué de jouer ce free-jazz bullshit et qu’il avait apprécié avant leur concert commun, les morceaux d’Oxbow, groupe qu’il ne connaissait pas. Et comme Oxbow, c’est un homme de blues. Ça ne pouvait que marcher. Les deux entités ont tout explosé.
Uniquement des compositions d’Oxbow dans lesquelles le saxophone de Brötzmann s’infiltre, rugit, se brise, s’épanche. Des morceaux d’origine remaniés, secoués à l’instar des trois titres de Thin Black Duke (A Gentleman’s Gentleman, Host et The Finished Line), album le plus représenté à qui cela fait du bien d’être reboosté et bousculé de la sorte. Pour le reste, Oxbow a pioché dans une grande partie de sa discographie. Angel et Cat And Mouse sont tirés du deuxième album King Of The Jews (1991). The Valley en morceau de rappel est extrait du premier, Fuck Fest (1989). Over était sur le quatrième Serenade In Red (1996) alors que Skin était sur le suivant, An Evil Heat (2002). Mais pas la peine de connaître les originaux pour apprécier à sa juste valeur ce live où la puissance, l’énergie, l’intensité sont parfaitement retranscrites. Comme sur les dix minutes de Over, grand moment de ce disque, aussi ébouriffant que poétique où Oxbow et Peter Brötzmann sont en fusion, semblant avoir joué des centaines de fois ensemble avec un final magnétique.
Et c’est ce qui est le plus bluffant et le plus beau. La facilité de ces musiciens à se trouver, parler un langage commun, deviser sur des structures à la base bien établies pour les transcender, les étirer, laminer, les pousser dans des retranchements inattendus sans jamais avoir l’impression d’être en face d’une musique improvisée alors que cette collaboration l’est. Le chant du charismatique Eugene Robinson sait s’effacer quand il le faut. Tout comme le saxo de Brötzmann. Ou souffler sur les braises. Tout comme le saxo de Brötzmann. Des compos qui vivent une deuxième vie, remettent Oxbow dans l’œil de l’ouragan, confirment Peter Brötzmann comme un illuminé talentueux, serpentent entre violence vicieuse, chaleur humaine, mélancolie sous-jacente, noise-rock à tendance libre et jouissive, phrasé épique, chaotique, spasmodique et pétri de classe pour finir par The Valley, ultime titre qui se clôture sur un locked groove d’une cloche d’église sonnant le glas d’un double album pour légèrement plus une heure exigeante mais ô combien passionnante.

SKX (11/03/2023)