mamaleek
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Mamaleek
Diner Coffee – LP
The Flenser records 2022

Mamaleek avance toujours masqué. Au sens propre comme au figuré. Le groupe de San Francisco n’a pas attendu qu’un virus taquin inonde le monde pour se foutre un masque sur la tronche. Oreilles et chevelures comprises comme le montre la photo de l’insert. Quinze ans que personne n’a vu leurs visages, principalement celui des deux frangins à la destinée du groupe.
Et surtout, la musique de Mamaleek ressemble à tout et à rien. Vous verrez fleurir des termes comme (black) metal, jazzy (et encore plus avec ce huitième album), noise, rock, expérimental, avant-garde, ambient et autres vues d’esprit qui ont bien du mal à regarder au-delà de nos perceptions étriquées.
Mamaleek, c’est avant tout une musique de freaks. Qui ne s’adresse pas forcément à des freaks mais faut quand même être d’humeur, aimer être surpris, désarçonné, irrité, abolir les frontières, se laisser guider sans avoir aucune idée de la destination et encore moins du voyage et c’est pas chose facile. Il faut aussi aimer prendre le temps, de s’installer, d’écouter, de sentir, ne pas attendre que tout arrive dans un claquement de doigt, ne pas zapper dans une course en avant absurde, se laisser porter, s’attendre à tout et même à ce qu’on ne veut pas entendre (habituellement), repenser les conventions, associer les contraires, ne pas craindre de ne rien comprendre, se sentir perdu ou indifférent car ça ne dure jamais.
Ce n’est pas que Mamaleek est un groupe totalement hors-sol mais mieux vaut être prévenu. Encore un peu plus avec Diner Coffee à l’atmosphère plus flottante que Come And See. Qui comporte autant de digressions que de fulgurances. De moments confortables et inconfortables. De mélanges sonores que Mamaleek est le seul à oser. Qui peuvent fonctionner à merveille ou vous passer largement au-dessus. Grosse beuglante velue et dégradé jazzy ont rarement fait bon ménage. Mamaleek l’a fait. Et bien d’autres choses surprenantes, entraînantes, cassantes qu’il est vain de narrer. Une sombre traînée avec autant de confusion que brillant d’un éclat improbable. Un trouble qu’il est bon de respirer. C’est l’album que Oxbow aurait pu sortir avant de désormais faire la tournée des thés dansants et des hospices. C’est l’album de tous les dangers qui peut emmener dans un drôle d’état (Grief And A Headhunter’s Rage). Ça raconte des histoires de camionneurs et de solitude, ça se vit d’une traite et plusieurs fois de préférence, ça se tente au moins une fois, histoire de goûter à l’étrange et ce qui se fait à l’écart. C’est pas tous les jours mais je suis heureux de connaître ce groupe.

SKX (25/04/2023)