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Kurws
Powiez / Fascia – LP
Dur et Doux/Korobushka/Red Wig records 2022

Il est grand temps de parler du dernier album de Kurws publié en avril 2022 car c’est le dernier à tout jamais. Kurws vient d’annoncer en ce début d’année, après quatre albums depuis 2011 et 346 concerts plus tard, qu’il s’arrêtait définitivement. Powiez / Fascia est donc le quatrième et ultime disque du groupe polonais sorti sur un label français (Dur et Doux), tchèque (Korobushka) et allemand (Red Wig). On peut se contenter de l’appeler Powiez, Fascia étant la traduction en anglais. Ce qui ne m’avance pas plus sur la signification de ce terme. Qui se traduit en français par fascia. C’est malin. Comme il est facile de paraître intelligent avec internet, je vous laisse voir ce que fascia veut dire si la curiosité vous pousse mais ce titre d’album est à l’image de la musique du trio originaire de Wroclaw, on y perd son latin.
Incompréhensible de prime abord, follement complexe, un tourbillon de notes, de rythmes, de plans qui s’encastrent, explosent, se répètent, se répètent et se répètent encore, prennent la tangente, s’écartent du droit chemin qui préfèrent de toute façon toujours gambader par les déviations avant de revenir pleine poire quand on s’y attend le moins. Sept morceaux qui pourraient presque être réduits à quatre principaux, les trois autres étant plus du domaine de la transition assez brèves. Mais quand Kurws se lance, c’est jamais pour rien. Le point culminant atteint les quinze minutes, c’est la compo qui a donné son nom inexplicable à l’album et rien qu’avec ça, tu as à manger pour la journée. Et tu en redemandes. Car aussi curieux que cela puisse paraître, Powiez n’est nullement indigeste. Un peu de temps est nécessaire pour s’habituer à ce chaos savamment orchestré mais après, c’est l’extase, le vertige sans le mal de tête, l’autoroute du soleil sans les bouchons.
Kurws est expert en enchevêtrement ludique, sait compter et s’amuser, jouer sur les sonorités pour tenir en éveil quand les mesures semblent se perdent dans un dédale mystérieux, inventer des figures de style qui ne sont jamais vaines mais servent le propos, créer un monde bien à lui sans vous laisser à sa porte. Et Kurws sait cogner quand il le faut, mettre la tension nécessaire, créer des passages mémorables comme sur le début du titre d’un quart d’heure quand la rythmique s’affole et que la guitare embraye ou tirer de la guitare des sons hautement incendiaires, perforants ou originaux comme sur Russian Roads (on vous donne la version anglaise des titres, azerty n’aimant pas trop le polonais). Kurws n’a aucun problème pour tenir en haleine dans des compos au long cours tant les idées fusent et en plus, elles sont larges, trépidantes, revigorantes de la part d’un trio qui joue autant sur les nerfs, les rythmiques exotiques remontées à l’envers (Foot Chase) que sur la musique dite free d’obédience jazzy et sans jamais tomber dans le piège d’un prog rock instrumental envahissant. Nombreux se sont cassés la gueule à manier ces armes à double tranchant. Kurws avait la science infuse, le sens du rock et du bruit, un plein sac de subtilité, de légèreté, d’extravagance, de dextérité, de joie de jouer et de communiquer. Kurws est mort mais il n’est jamais trop tard pour découvrir un groupe talentueux à jamais.

SKX (08/02/2023)