kenmode
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Ken Mode
Void – LP
Artoffact records 2023

Ken Mode avait réussi l’exploit à l’automne 2021 d’enregistrer deux albums pendant une seule et unique session avec Andrew Schneider. Void n’est pas pour autant le frère jumeau de Null. Il devrait même rassurer ceux qui avaient été contrariés par trop d’expérimentations et chamboulés dans leurs petites habitudes avec un précédent album plus varié et pourtant totalement cohérent dans le riche parcours du groupe canadien.
Void
est à ce titre plus classique pour du Ken Mode. The Shrike, Painless, I Cannot, c’est ce mélange inspiré de noise-rock et hardcore tumultueux, sombre, qui lamine, crache son fiel et ces élans bruitistes qui a fait ses preuves et pour lequel Ken Mode possède toujours de fortes capacités à se renouveler sans vraiment changer. Un autre domaine dans lequel Ken Mode a toujours excellé, ce sont ces compos plus longues, au tempo ralenti et appuyé, possédant le sens du drame et vous retournant les tripes, évolutif, intense avec ce feeling animal et brutal qui transparaît à chaque pas. Les sept minutes du splendide A Reluctant Of Being et He Was A Goodman, He Was A Taxplayer qui rajoute une note encore plus poignante et un cheminement plus original sont deux belles pièces pleines de relief et d’allant.
Les huit minutes de These Wires auraient pu être rajoutées à cette belle doublette. Mais il a ceci de particulier pour du Ken Mode, c’est son approche plus mélancolique et mélodique d’un titre là aussi tout en contraste avec de bons coups de pression mais aussi plus apaisé ou sur un fil avec ce pont musical au milieu du guet et un surplus de piano (joué par Kathryn Kerr qui laisse parfois son saxo) et de violoncelle (par Natanielle Felicitas) à la toute fin. Le synthé qui se fait très présent sur We’re Small Enough, instrumental à la teneur générale plus détendue et tristounet, est une touche également nouvelle pour la bande des frangins Matthewson. Et quand l’album se termine par un très beau Not Today, Old Friend évoluant dans des sonorités plus moroses et (faussement) calmes avec piano et violoncelle à nouveau de la partie, on se dit que Void est marqué par une affliction et une fragilité qui se font jour de façon inédite, des sentiments que Ken Mode n’essaye plus de cacher son un tapis de dissonances sauvages. Ken Mode fait donc toujours du Ken Mode mais arrive quand même à nous surprendre et surtout maintenir une qualité d’écriture et un intérêt qui ne se démentent toujours pas au bout du neuvième album en vingt ans.

SKX (26/10/2023)