hammeredhulls
dischord


Hammered Hulls
Careening – LP
Dischord records 2022

Écouter Hammered Hulls, c’est se replonger dans l’époque Dischord dont le meilleur semble clairement derrière eux, c’est avoir vingt ans à nouveau, c’est comme (re)découvrir Fugazi, bref, c’est un vieux coup de nostalgie. Et pourtant, Hammered Hulls te revigore plus sûrement qu’une transfusion sanguine avant de pédaler en haut de l’Alpe d’Huez.
Un groupe de vétérans qui pourrait rabattre le caquet à plus d’un jeune punk en goguette. Alec MacKaye (Faith, Ignition, The Warmers) au chant et jeune frère de qui vous savez, Mary Timony (Ex Hex, Helium, Autoclave, The Spells) à la basse, Mark Cisneros (Chain And The Gang, Medications, The Make Up, Kid Kongo & The Pink Monkey Birds) à la guitare et Chris Wilson (Ted Leo/Pharmacists, Acquaintances, Open City) à la batterie, c’est tout un pan de la scène punk underground américaine et encore, n’est citée qu’une partie de leurs groupes respectifs. Et pour couronner le tout et donner à Careening un aspect encore plus historique, c’est le dernier album enregistré dans les mythiques studios Inner Ear par Don Zientara qui ont définitivement fermé leurs portes le 1er octobre 2021, c’est à dire là où tous les disques ou presque de Dischord ont vu le jour.
Mais le poids du passé, Hammered Hulls n’en a cure. Le groupe de Washington DC balance son punk avec une vitalité effarante, brut, sans esbroufe et un beau brin de classe. Ce premier album capte toute la substantifique moelle du son Dischord, évoque évidemment régulièrement Fugazi notamment avec ce groove et des lignes de basse magnifiques à faire baver d’envie Joe Lally, mais aussi Circus Lupus et tout ce qui a fait la force des groupes de l’écurie, cet alliage de punk-hardcore âpre, direct, sans artifice et toute l’émotion qui suintait de partout de la part de groupes qui savaient faire parler autant les nerfs que les cœurs sans oublier les cerveaux qui n’étaient pas là pour conter de jolies histoires d’amour. Le combat est magnifiquement perpétré par Hammered Hulls.
Chaque titre a instantanément la tronche d’un classique. Une guitare acérée qui fait des merveilles et pond des accords bien juteux, le robinet grand ouvert, le calcaire qui accroche et ne pas oublier d’insuffler une bonne dose de rock’n’roll là-dedans. Ça finit pas de couler, d’empoigner des mélodies par le colbac, enlever tout le surplus, ne garder que le tendon et surtout la tension, que ça file toujours sur une corde raide mais avec une sacré plénitude. Concis, punk, le chant haut et acerbe, les chœurs qui poussent pour l’enrobage, le poing levé qui s’abat aussi sur des compos plus courbées, épaisses (Rights And Reproduction), explosives toujours. Et quand Hammered Hulls semblent s’attendrir, c’est pour mieux flinguer le final (Sounding The Sea mais pas sur le dernier Mission Statement qui clôt le disque joliment et sereinement) et tout emporter dans un album où tu ne sais plus où donner de la tête tant il est enthousiasmant.
Malgré tous les souvenirs que cela engendre, malgré les références, malgré le vent qui ne souffle jamais dans le bon sens (alors que c’est toi qui est mal tourné), Careening fait forte figure, là, maintenant, tout de suite et est certainement un des meilleurs disques réalisé par Dischord records.

SKX (19/01/2023)