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Gilla Band
Most Normal – LP
Rough Trade records 2022

Girl Band a changé de nom pour Gilla Band mais je me suis fait avoir tout pareil. Échaudé par leur précédent album The Talkies, j’étais pourtant prévenu. Mais rien n’y fait, les nombreuses écoutes, les jours pairs, les jours impairs, à différentes heures, à jeun, plein, le soleil dans les yeux, le vent dans le dos ou en commençant par la fin en sautant sur un pied. Pourtant, c’est pas le bruit qui fait peur ici. Il est vénéré, du pas tendre, bien plus furieux et sale que celui des Irlandais de Gilla Band qui n’offre cependant pas leur part au chien avec ce troisième album Most Normal.
Gilla Band a même franchi un palier en matière d’expérimentations sonores et de brossage de poils à l’envers. Tout en s’insérant régulièrement dans un cadre indie-pop-song, c’est tout le paradoxe. Des sons qui frittent les tympans en profondeur et des structures comme des garde-fous et des rythmiques (souvent entraînantes) pour empêcher la grosse angoisse généralisée. Qui arrive tout de même quand Gilla Band décide d’entrée de jeu de passer les bandes à l’envers sur tout un morceau (The Gum), de quitter temporairement le cadre avec des pénibles et vaines triturations (Gushie, Capgrass, Pratfall) ou de torturer les oreilles avec des sonorités aiguës genre ultra-son pour attirer tous les clébards du quartier (les débuts de The Weirds et I Was Away). Sinon, ce sont de violents déluges punitifs soudains, des déflagrations étonnantes et radicales, tout un tas de bizarreries, de pièges, de mélodies tordues qui surgissent de nulle part, de répétitions stressantes, de hurlements alors que la seconde d’avant ça chantait/parlait plutôt normalement.
On peut pas dire que ce groupe manque d’idées. Ça serait même bien ça le problème. Un peu de tri et d’ordre (j’ai pas dit famille et patrie) dans tout ça n’aurait pas fait de mal. Et surtout, Most Normal draine des compos trop cérébrales, froides, ne véhiculant aucun type d’émotions en particulier. Pas de violence cathartique, pas d’adrénaline allant de paire avec une urgence qui scotchent ou hypnotisent, pas de frisson à faire vibrer l’épiderme ou je ne sais quoi qui donne envie d’y croire. Juste des constructions paraissant trop calculées, trop travaillées sous des dehors sauvagement bruitistes pour une folie qui tombe à plat avec bien trop de temps dans le studio pendant le confinement pour le bassiste Daniel Fox qui a aussi enregistré et mixé l’album. Un disque que je n’aime pas, que je ne déteste pas non plus. Une poignée de titres (The Weirds, Almost Soon, Eigh Fivers) passent même assez bien. Et pourtant, je n’arrive pas à m’enlever de la tête que tout ça, c’est beaucoup de bruit pour rien.

SKX (01/02/2023)