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Fillette
s/t – LP
La Face Cachée/Assos’Y’Song/Katatak/Fillette records 2023

Fillette a pris tout son temps pour grandir. Plus de dix ans que ce groupe marseillais existe. Et ce n’est que maintenant que Fillette sort du bois ainsi que son premier enregistrement officiel. Avec des anciens Ntwin, Caraques, un membre de La Pince qui est arrivé pendant qu’un contributeur de la première heure jette l’éponge avant que le vinyle ne voit le jour et l’aide du grand frère Nicolas Dick (Kill The Thrill) pour mettre tout ça en boite, Fillette vient jouer dans la cour des grands. Et c’est pas pour y faire de la corde à sauter.
Fillette crie au loup, avec les loups. Avec une tête d’enfant sombre qu’on garde au fond d’un placard. Une musique de transe, sobre, revêche, répétitive, lancinante. A la manière d’un Fleuves Noirs, l’assise rythmique et surtout la batterie est prépondérante, martelante, obsédante, sans jamais faire un mouvement de trop. C’est d’ailleurs ce (cours) album dans sa globalité qui semble jouir d’une violence sourde, toujours sur un fil, prêt à bondir mais qui se retient de trop de démonstrations (remember Ntwin). Le malaise ronge les nerfs et n’en est que plus beau. Alors Fillette répète ses gammes et les mesures, encore et encore, répète une phrase qui est souvent l’unique parole d’un morceau et strie l’espace avec des cordes électriques aiguisées ou qui crissent comme des débris toxiques. Sur La Maîtresse, c’est plus amusant que pertinent. Une comptine bien connue d’où est tirée une phrase répétée en chœurs, La Maîtresse en maillot de bain (ou un truc qui y ressemble fortement), mais l’habillage (sonore) est plus anodin et l’effet répétitif tourne en rond.
Ce qui n’est pas le cas des six autres compos. L’élan cyclique est source de tension, d’angoisse, dessine une hypnose lugubre, dur dans les angles, froidement noise, incantatoire dans ces voix prenant des incarnations variées (particulièrement convaincant et mordant sur Festin) et tient en haleine comme les sept minutes introductives de Cranes. Les guitares tendance no-wave hachurent les chairs, grouillent de bruits retors, stridentes, sifflantes ou en état de décomposition comme dans une friche industrielle. Ça vous donne des titres corrosifs à l’urgence qui taquine une colère contenue avec des échardes coupantes et incisives sur On The Spot et encore plus sur l’ultime morceau, l’envoûtant La Guerre qui déchire comme un bon vieux Deity Guns/Bästard. Fillette a très fière allure et il faut espérer désormais avoir de ses nouvelles régulièrement.

SKX (17/10/2023)