cute



Cute
Apocalypse/Life – CD
She – CD
Self-released 2023

Cute. Avec un nom pareil, on pourrait ne pas se méfier. Mais à partir de l’instant où le déluge s’abat sur vos frêles épaules, il est clair qu’il faut revoir la signification de ce mot. Cute est infernal.
Un nouveau groupe canadien qui a publié coup sur coup cette année deux CDs. Apocalypse/Life en février (une version vinyle est prévue pour fin 2023) et She en juillet. Qui ne se ressemblent pas quand on regarde le déroulé des opérations. Deux et uniquement deux très longs morceaux autour des vingt minutes chacun pour Apocalypse/Life. Six titres revenant à plus de normalité bien que Orkids dépasse les onze minutes pour She. Mais à l’intérieur, c’est un déferlement identique, une vague de bruits impétueuse et sauvage avec un grand sens du don de soi.
Prenez les deux golgoths Let Your Mouth Digest It et Voodoo Dissolve sur le premier CD. C’est de l’ordre de la transe païenne mais réalisé avec la manière. Cute met tout ce qu’il a dans le bide mais jamais avec ses gros sabots. Si Cute use d’artifices connus comme les longues montées d’adrénaline, un emballement progressif ou la répétition des mesures pour arriver à une hypnose brûlante et bruyante, c’est fait avec beaucoup de spontanéité et de finesse malgré tout sous le tir des dissonances, un aspect mélodique se mettant peu à peu en place pour un feu d’artifice qui n’en reste pas là pour contempler benoîtement les débris retomber. Au bout de quatorze minutes de Let Your Mouth Digest It, après un cours passage parlé, Cute enchaîne subitement avec une attaque en règle, abandonnant la piste instrumentale pour dériver vers des contrées fougueusement psychédéliques et rock’n’roll. Cute n’a pas oublié que leur ville d’origine Hamilton (Ontario) n’est pas très loin de Detroit, que le MC5 a laissé des traces persistantes et couplé avec Jimi Hendrix et en rajoutant une couche de noise bordélique, ça ferait un final grandiose où l’abus de guitares n’est pas dangereux pour la santé. Comme l’autre titre Voodoo Dissolve présente un visage également de pyromane expert qui met de l’intensité et un bordel magnifique et accidenté dès le début pour ne plus rien lâcher pendant dix-huit minutes, ces deux compos très longues passent à la vitesse du vent avec les ravages d’un ouragan.





She réduit donc la voilure mais pas la pression et encore moins le niveau de nuisances. Tout en présentant un caractère plus diversifié. Tout les moyens sont bons pour créer des paysages sonores aussi intransigeants que furieusement prenants. Du piano sur The Intern. Du saxo et des chœurs avec six invité(e)s sur la fin de Orkids. Mais sans cesse du tumulte, du bouillonnement, de l’allant et de l’aplomb. Et aussi des morceaux calibrés plus noise-rock trépidants, carrés, brefs et totalement captivants (z00z00z00, l’urgent A Child’s Sense Of Place) ou Callous Social Status montrant que Cute peut faire plus classique dans les structures sans rien perdre de sa folie. Tout le contraire des onze minutes de Orkids. Entre un krautrock haletant, un vernis fortement noise, une coloration free-jazz de l’enfer avec l’intervention du saxo, une joute rythmique infatigable et un beau passage révélant de la gravité dans le propos pour finir par des chœurs a cappella, ce titre est une véritable cocotte-minute aux climats variés et preuve d’un beau savoir-faire aussi naturel que radical pour une musique très séduisante. Cute mais faut pas venir les chercher.

SKX (09/10/2023)