carnivorousbells
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Carnivorous Bells
Room Above All – LP
Human Headstone Presents records 2023

Room Above All est le deuxième album de Carnivorous Bells et il dispense des ondes de bonheur identiques et aussi fortes que celles dégagées par The Upturned Stone. Le problème, c’est que j’ai l’impression que peu de bipèdes ont profité de son rayonnement. Et le fait que ce groupe soit inclassable n’aide pas à les établir dans le paysage qui a toujours besoin d’être cadré pour rassurer les masses laborieuses. En gros, Carnivorous Bells doit autant à Television que Dazzling Killmen et tout ce que vous pouvez mettre entre les deux. Pas une mince affaire.
Le groupe de Philadelphie aime envisager sa musique sous ses apparences les plus inattendues. Mélanger les genres, les humeurs, tisser des fils à la fibre expérimentale, le fameux déconstruire pour mieux reconstruire. En plus, le groupe a rajouté un ténor saxophone à sa panoplie avec l’arrivée de James McKain, histoire de brouiller les pistes de nos cerveaux fatigués. Alors qu’en fait, Carnivorous Bells ne fait qu’une chose. Il frappe. Fort. Mais rarement de face.
Le passé hardcore de ses membres fait trembler les murs, style que le groupe pratique désormais de façon totalement personnelle, pris d’un esprit de liberté pour se détacher des dogmes comme les groupes de SST ou un Spike In Vain savaient l’envisager à la grande époque. L’intensité, le truc anguleux qui explose en fragments corrosifs, le regard aussi désabusé que dur, tout ça Carnivorous Bells le balance dans des structures qui ne tiennent jamais comme vous pensiez qu’elles allaient tenir.
Freeture jazzy avec ce saxo qui couine à la mort comme sur The Written World alors que tout cogne autour de lui. Avec une tension à couper au couteau qui n’arrête pas de monter, se diluer, s’échapper dans des méandres pour revenir taper derrière la nuque comme une sale démon très joueur, illuminer le propos de toute sa fougue quand on ne s’y attend plus. Avec des changements de directions sans que ça devienne ardu pour la compréhension dans des titres qui ont l’air tout disloqués alors que ça percute méchamment. Avec une ambiance d’un seul coup toute bizarre et belle qui vous cueille sur le splendide The Onlookers ou le feutré Unfinished Matter. Avec la guitare de David Vassalotti généreuse mais jamais bavarde, non jamais, et qui vous distille des tirades brillantes et tellement variées. Et puis toujours cette tension, larvée ou non, ce bouillonnement incessant, cette énergie qui excite les nerfs (Perfectly Still est insoutenablement bon) qui rendent les jours minces et brutaux alors que franchement, ces compos sont savamment chiadées, subtiles, riches, un étalage de brio et d’idées que c’est presque indécent. Mais Carnivorous Bells a le feu en lui qui brille sans en rajouter. C’est fait au cordeau, ça coule de source, la maestria en toute simplicité. Et les seules cloches que Carnivorous Bells fait sonner, ce sont celles de l’euphorie parce que des groupes comme ça, vous en croisez trop rarement. Carnivorous Bells, un groupe unique et fantastique.

SKX (12/06/2023)