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Bruxa Maria
Build Yourself A Shrine And Pray – LP
Riot Season records 2023

Pas question de se construire un sanctuaire et de prier. C’est pas le genre de la maison. Autant croiser les doigts ou toucher du bois, ça sera aussi efficace. La seule chose à laquelle il est permis de croire, c’est Bruxa Maria. Elle est notre seule religion et on n’est pas loin de lui vouer un culte depuis qu’un beau jour de 2016, elle a débarqué dans notre vie. Build Yourself A Shrine And Pray est le troisième album du groupe anglais. Il était attendu comme le messie et c’est une nouvelle fois un bonheur sans nom. Vous l’aurez compris, ici on est fan de Bruxa Maria. De cette noise ultime et belle, démoniaque et poignante, sans concession, violente et qui pourtant charrie des émotions à pleurer de rage et des pulsions désespérées.
Avec cette nouvelle offrande, Bruxa Maria ne fournit pas uniquement notre dose tant désirée, elle en rajoute une couche, grimpe dans les tours où tout devient plus vertigineux et impénétrable. Comme si c’était possible. L’enregistrement de Wayne Adams rend le son encore plus puissant, volumineux, sombre, furieusement vivant tout en pénétrant les chairs sans laisser de cicatrice. Les compositions s’étirent (huit titres en trois-quart d’heure), s’épaississent toujours plus, crépitent dans une effervescence diabolique constante avec les saletés de bruits sifflants du synth-noise de Robbie Judkins vampirisant tous les circuits, se fondant avec les stridences de la guitare. La section rythmique (Dave Cochrane, basse inamovible et Paul Antony, batterie généreuse et régulièrement renversante) est un souffle extrêmement dynamique aussi matraquant que massif et méchamment entraînant. L’intensité, une seconde peau, c’est peu de le dire. La densité n’empêche pas de décoller. La folie guette à chaque recoin. Tout est fait pour nous tourmenter, rudoyer, vider jusqu’à plus sec, aveugle et sourd.
Mais ce qui ressort de tout ça, qui fait que cette lame de fond vous soulève à des hauteurs pas permises, de toutes ces longues déflagrations se muant comme un rouleau-compresseur et qui vous scotchent, ce n’est pas tant la violence, le traitement sonore ou la dimension noise et sauvage. Non, c’est l’émoi que ça procure, qui touche au plus profond, remue les tripes avec cette capacité mystérieuse qu’à Gill Dread, la chanteuse-guitariste et âme de Bruxa Maria, à illuminer chaque titre par une mélodie (le sublime True Say), une subtilité, une touche épique et lyrique qui n’a jamais été aussi présente que sur cet album, un changement dans sa voix habituellement maléfique comme sur la fin de Blind Side, comme si elle avait eu une révélation (ce qui semble un peu le cas quand on se penche sur les paroles à la portée mystique) alors que c’est le chaos dehors. Et en elle. Une vibration intime, réussir à transformer toute cette colère en quelque chose de beau et âprement déchirant, une mixture de furie et de détresse qui donne une grandeur à ce disque et des titres énormes à l’instar de God Gun Scruples qui met littéralement le feu quand à 3’28, la guitare s’embrase et que tout s’enchaîne dans une réaction incontrôlable débouchant sur un magnifique incendie généralisé.
Build Yourself A Shrine And Pray, comme un mantra noise-rock d’un genre nouveau avec un coté industriel et rituel, répétitif tout en évoluant, où chaque détail compte dans ce tourbillon, l’adrénaline qui bouillonne, trépigne, grandit, explose, se fait sublime sans jamais négliger cette urgence et un cadre rock se matérialisant sur les titres plus directs et tranchants Dance Like Vasili et Hospital Visit. Avec le vinyle, trois titres supplémentaires sont disponibles en version numérique seulement. Des instrumentaux à base de samples et d’angoisse, de bandes trafiquées, de triturations, de tortures sonores et de nappes bruitistes de fin du monde. Bruxa Maria ne connaît pas le compromis et n’arrête jamais. Et c’est d’ailleurs là le seul moment où je veux bien prier, pour que Bruxa Maria continue à jamais de nous sortir des disques de la trempe de Build Yourself A Shrine And Pray.

SKX (30/01/2023)