ahleuchatistas
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Ahleuchatistas
Expansion – LP
Riverworm records 2023

C’est en 2022 que Ahleuchatistas a fait son retour, sept ans après le huitième album Arrebato (mais c’est en 2023 que le vinyle a été publié). Une longue pause pendant laquelle Shane Parish, seul membre d’origine, en a profité pour s’offrir une carrière solo en troquant sa guitare électrique pour une acoustique, s’attaquer à la folk music à sa manière ou multiplier les collaborations. Un gars tombé dans la guitare à ses quatorze ans (il en a 46 maintenant) et qui est devenue une extension de lui-même. Guitariste émérite, instrument qu’il enseigne également, Shane Parish va une nouvelle fois montrer l’étendue de son talent sans en rajouter. Parce que chez lui, la démonstration ne passe jamais en force. C’est fait avec une grande sensibilité et une étonnante limpidité compte tenu du caractère complexe dont la musique de Ahleuchatistas est affublée.
Pour son entreprise de remise en route, Parish s’est entouré de nouveaux partenaires et pas des moindres. Danny Piechocki qui a déjà montré tout son savoir-faire chez Terms et Trevor Dunn (Mr. Bungle, Tomahawk, Fantômas et des tonnes d’autres projets) à la basse et qui réalise Expansion sur son propre label Riverworm. Un solide trio possédant de nombreuses heures de vol pour continuer de faire briller ce qu’on appelait auparavant le math-rock mais qui se nomme désormais avant-rock, ça fait plus sérieux et crédible. Mais il est vrai que Ahleuchatistas, tout en reprenant son fond de commerce qui a fait la grandeur de ses albums antérieurs, évolue dans des hauteurs où jazz, musiques improvisées et punk se télescopent pour créer un style virevoltant et léger malgré la multitude de notes qui tombent, cérébral mais s’adressant au corps qu’il secoue régulièrement, nerveux et subtil dans le tourbillon des mélodies patiemment tissées, précis dans le dédale des structures en constant mouvement et toujours très musical et fluide alors que tout est extrêmement écrit. Et si la guitare semble mener la danse, la section rythmique offre un formidable support ou contre-poids, notamment cette basse. Elle paraît discrète, comme reléguée au second plan, on ne fait pas attention à elle et elle finit par s’imposer tranquillement, offrant un dialogue de haute volée et plein de finesse avec la guitare qu’elle fait plus qu’accompagner, elle la magnifie.
Ahleuchatistas voltige, s’amuse, trépigne, est pris autant de frénésie que d’harmonie, enchaîne trois morceaux tournant autour de la minute (la série des RPG 4, 5 et 6) et termine par le morceau éponyme trimballant son spleen, son élégance et sa fièvre sous-jacente pendant neuf minutes trente vous embarquant dans un monde imaginaire duquel on n’a pas envie de revenir. Shane Parish et ses nouveaux acolytes n’ont pas perdu la recette d’un groupe qui occupe le terrain depuis 2003 et est plus que jamais au sommet de sa forme.

SKX (07/12/2023)