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Tropical Fuck Storm
Deep States – LP
TFS/Joyful Noise records 2021

C’est toujours la même histoire. Un disque publié l’été dernier mais un vinyle qui s’est fait copieusement attendre, à tel point qu’il a fallu patienter 2022 et encore plus de temps pour tenter d’apprivoiser le troisième album de Tropical Fuck Storm. Et autant vous dire tout de suite, on n’a pas trop réussi. C’est pas faute d’avoir été prévenu avec les deux albums précédents. On sait ce qui nous pendait au nez mais faut avouer que la sauce ne prend que moyennement avec Deep States.
Le rock très hybride du groupe australien n’a jamais été réputé pour sa facilité. De quoi largement effrayer le puriste, les revenus de tout et les peine-à-jouir. Si la formule qui doit tout de l’alchimie miraculeuse avait été remarquable sur A Laughing Death In Meatspace, TFS semble avoir un peu perdu le fil depuis. C’était le cas avec Braindrops, ça se confirme avec Deep States. Le fait de jouer une musique singulière ne vous donne pas un blanc-seing. Comme si l’esprit aventureux et expérimental de TFS n’était plus au service sur le fait tout simplement d’écrire une bonne chanson, l’envie de briser les codes avait pris le pas sur les émotions que peuvent procurer la musique. Et faut avouer qu’à de multiples reprises, Deep States laisse de marbre. Insensible devant ces constructions alambiquées, ces rythmiques éclatées. Simple spectateur devant trop d’informations, trop de sonorités débarquant de partout (G.A.F.F.). Ou juste une inspiration en berne à l’instar de Reporting Of A Failed Campaign et l’instrumental de sortie The Confinement Of The Quarks et ça, c’est plus embêtant.
Pourtant, ce sont parfois ces mêmes reproches qui font tout le charme de certains titres. C’est là tout l’équilibre précaire sur lequel navigue TFS capable sur Deep States de tomber du bon coté de la pièce. Les sept minutes de The Donkey, typique de la ballade déchirante dont le quartet est coutumier finissant dans un énorme fracas étourdissant avec notamment le jeu déchiqueté de la batteuse Lauren Hammel dont le surnom Hammer n’est pas usurpé car elle cogne avec force partout sauf dans le vide. Suburbiopia ou les femmes du groupe (elles sont trois) prennent le pouvoir au chant sur Gareth Liddiard, The Greatest Story Ever Told, le plus sobre New Romeo Agent chanté par la guitariste Erica Dunn sont autant de morceaux qui prouvent que TFS n’a pas perdu son pouvoir de séduction dans la tourmente, qu’il contrôle le chaos sur lequel il aime souffler et qu’il sait encore écrire des morceaux à la personnalité unique et vénéneuse.
Can You See What I See chante Liddiard sur l’imparable et touchant refrain de Blue Beam Baby. On serait plutôt tenter de répondre par Can you hear what i hear, c’est à dire quelque chose de toujours aussi étrange, difforme, original sans être vraiment sûr à chaque fois de ce qu’on entend exactement, aussi envoûtant qu’énervant, excitant que fastidieux. Tropical Fuck Storm, un drôle de phénomène austral empêcheur de tourner en rond dont les crachats lui reviennent parfois dans la tronche mais son souffle extravagant et sa créativité débordante restent indispensables.

SKX (02/05/2022)