sneers
godunknown


Sneers
Tales For Violent Days – LP
God Unknown records 2022

Quatrième album de Sneers, Tales For Violent Days parce que c’est tous les jours violence depuis la nuit des temps. Contes de la folie ordinaire aurait dit ce cher bon vieux Bukowski. Et de folie, le duo italien n’en manque pas. De celle qu’on ne comprend pas toujours, celle qui interpelle, fait peur ou attire irrémédiablement, nous entraînant de gré ou de force dans leur univers intime peuplé d’hallucinations dérangées, de dévotions cruelles et d’amours éternels. On a appris à l’apprivoiser cet univers particulier, on le connaît mais il ne cesse de se développer, de muter au fil des enregistrements atteignant avec Tales For Violent Days un taux d’étrangeté qui a encore augmenté.
À commencer par le chant de Maria Greta Blaankart. Un chant très expressif, à multiples visages mais quand il devient outrageusement chevrotant, grimaçant et nasillard, option maléfices et diableries en tout genre, il ne fera pas l’unanimité. Mais j’ai appris à l’apprécier cette voix de succube improbable ou alors, elle a fini par s’imposer parce que c’était la seule possible, la seule prolongeant le malaise d’une musique à l’aura copieusement frelatée et dont la violence ne dit jamais son nom. Toujours voilée, suggérée, se répand comme un venin dans des ambiances décharnées et habitées de mauvais présages. Mais comme souvent avec le duo italien, la lumière et la beauté ne sont jamais loin de la noirceur la plus profonde et mystérieuse. La même face d’un renouveau gothique que Sneers traverse d’éclats noisy (Lies For Young Men tout en relief escarpé), d’échos tribaux, lugubres, erratiques (Leonardo Oreste Stefenelli), d’une guitare aigrelette à laquelle se pendre mais qui sait malicieusement enfoncer en pointillées des mélodies lentement addictives, quand ce n’est pas un piano pervers sur Ode To The Past, ritournelle glaçante. Tales For Violent Days fait gicler des brûlures funestes et grésiller des frissons menaçants. Une musique rituelle aux chatoiements fantomatiques qui peut tomber dans une torpeur incantatoire, égrenant un sale climat d’outre-tombe possédant miraculeusement le don de vous illuminer comme sur l’envoûtant Will I Feel You ou sur les sept minutes captivantes et quasi mystiques de A Fate Worse Than Death.
Un album en forme de procession lancinante avec des mélopées très sombres ne semblant tenir à rien, en équilibre précaire au-dessus d’un gouffre abyssal, flottant sur des synthés irréels, dérangeant par ses choix artistiques singuliers demandant de la persévérance, vibrant dans des territoires décalés et troublants et dont la puissance évocatrice est indéniable. Tales For Violent Days, c’est un plaisir et une souffrance. Sneers, à nul autre pareil.

SKX (02/06/2022)