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Psychic Graveyard
Veins Feel Strange – LP
Deathbomb Arc records 2021

Troisième album de Psychic Graveyard et une évidence me frappe soudain avec une virulence identique que la phrase à suivre défonce les portes ouvertes tellement elle est éculée : et si Psychic Graveyard était le meilleur groupe de guitare sans guitare. Enfin de la guitare, c’est pas dit que yen a pas, on sait plus trop en fait, on s’y perd parce que si elle est là, elle sonne comme une saleté de machine, un truc électronique qui vampirise le sol de Veins Feel Strange, plafond compris. Mais ce qui compte au final, c’est que ça fait pas musique de synthés. Ça sonne brut, malfaisant, primaire, corrosif et abrasif comme bien plus de groupes avec des six cordes dont l’électricité se voudrait flamboyante et menaçante.
Le groupe des anciens Arab On Radar, Doomsday Student, The Chinese Stars (la liste des ex est longue, j’arrête là l’énumération) continue ainsi de faire grincer les dents dans la continuité de A Bluebird Vacation. Un bataillon de cafards dont la dispersion géographique ne les empêche pas d’avancer en rang serré pour mieux vous grignoter la cervelle avec une précision maniaque. À Providence, Eric Paul et Paul Vieira réceptionnent les fichiers envoyés par Nathan Joyner depuis San Diego et Charles Ovett à Charlotte, NC imprime ses rythmes de batterie. Les disques durs en voient passer de drôle. Les virus ne sont plus ce qu’on croit. Les circuits ont déjà été bien chauffés lors de de A Bluebird Vacation. Psychic Graveyard connaît la chanson (et nous aussi), alors on fonce mais toujours sur ses gardes car les constantes ondes trafiquées, pernicieuses et angoissantes de leur artillerie électronique ne favorisent jamais la liberté totale des corps et ses mouvements.
Pourtant, Veins Feel Strange semble avoir lâcher du lest sur le terrain de la gravité. Pas dans les paroles qui filent toujours les jetons, même conscient de tout le sarcasme dont est coutumier Eric Paul. Par contre, il est impossible d’empêcher de réfréner des pulsions physiques ou de faire la statue vivante sous les assauts répétés et incessants d’une rythmique qui en veut à ton déhanché, ces triturations lubriques et ludiques qui sont autant de poil à gratter, une dose en augmentation d'accroches et d'ambiances un tantinet plus avenantes. Ça donne des morceaux impérieusement instables et ondoyants comme (on aurait pu tous les citer mais particulièrement ceux-là) I Am Blacking Out, Blood On The Computer avec ses gimmicks electro irrépressibles, Mom Is With The Crystals et le trépidant Hijack A Star. J’aime d’ailleurs l’idée de ce contraste entre une musique faite pour se tortiller et la noirceur du propos, une première lecture anodine qui pourrait faire croire à un disque entraînant alors que l’acidité grignote ses terminaisons, que des lutins mutants ont le cœur sinistre, un disque délicieusement dérangeant et inconfortable alors que tu bouges comme un pantin désarticulé avec un sourire niais. Veins Feel Strange voit en tout cas un groupe maîtrisé pleinement son sujet, neuf compos parfaites d’un noise-rock fortement déviant qui a définitivement pris ses marques et se révèle incontournable.

SKX (19/02/2022)