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Pape
Un Estudio De La Vida En Provincias – LP
Repetidor/Mamma Vynila records 2022

Un tour à Pampelune avec le groupe espagnol Pape. Une collaboration entre des musiciens qui ont déjà participé à plusieurs groupes (Antigua Y Barbuda, Kyoto, Kokoshca) pour un disque qui s’est créé à quatre mais qui se joue à cinq avec un membre en plus qui a tout de même contribué à la guitare sur un titre (Tamara). Pape partira peut-être en fumée après ce premier album qui s’est bâti pendant la pandémie et dont la suite est incertaine. Ça serait dommage tant Pape a su construire une alchimie unique depuis quatre ans après deux EPs cassettes et un single, un ton personnel pas loin d’être inclassable.
Un rock qui se lit et se ressent sur plusieurs niveaux. Mélange d’organique et de sons synthétiques, de lueurs blanches blafardes et froides et d’explosions rougeoyantes, de percussions tribales et de frappes post-punk plus raides, de bruits industrielles et de refrains qui peuvent s’avérer lumineux et déconcertants (Little China et Amor), Pape peut autant évoquer Daughters (comme sur Creo En Mí) que certains groupes mystérieux néo-zélandais (Girls Pissing On Girls Pissing) dont le sens de la mélodie apparaît toujours comme décalé et envoûtant mais aussi Alan Vega pour le chant de Javier Aznárez. Je ne sais pas comment en Espagne est la vie en province mais cette étude le met dans tous ces états. Un Estudio De La Vida En Provincias est en fait un clin d’oeil à George Eliot alias Mary Ann Evans et son livre Middlemarch, étude de la vie de province dans l’Angleterre victorienne. Transposé dans le pays Basque, ça devient un chant habité, haletant, intense qui n’est donc pas loin de rappeler le chanteur de Suicide.
Bref, leur noise-rock des débuts plus ouvertement frontal mais déjà légèrement déviant a pris des chemins détournés pour aboutir à un disque charismatique et magnétique. Quelque chose de fastueux et violent, du velours qui s’enflamme rapidement, théâtral, dramatique et sauvage. Les fulgurances frénétiques côtoient les vibrations électroniques dans un même élan hypnotique avec un sens du déluge impressionnant (Paseo). Les rythmiques plus retenues et les ambiances sombres et tendues imposent une gravité et profondeur qui captivent autant qu’elles angoissent comme Un Suspiro qui vous engloutit d’un sentiment singulier et dérangeant au bout de presque sept minutes. Et quand Pape décide d’être plus volontiers direct et entraînant, cela donne les excellents No Hay Señal et Un Million De Euros. Un Estudio De La Vida En Provincias est une franche réussite originale et détonante.

SKX (03/02/2022)