membrane
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Membrane
Beyond Your Beliefs – 2xLPs
Source Atone records 2022

Membrane n’est pas du style girouette. Une discographie depuis 2005 qui fait bloc et prend du sens quand le fil de l’histoire est déroulé et mis bout à bout. La source du bruit est à chaque fois identique, ses reflets sont subtilement différents. C’est homogène mais chaque détail compte. Avec le sixième album Beyond Your Beliefs, Membrane est allé au bout de son idée. C’est du Membrane. On reconnaît le ton, le touché, la noirceur. Mais après Burn Your Bridges, Beyond Your Beliefs a franchi le pont sans pour autant brûler le passé. Une évolution logique et intégrale vers des compos qui durent et durent encore, plus lentes, plus pesantes, plus épurées où il est avant tout question d’installer et sculpter des ambiances plutôt qu’envoyer du parpaing et des coups de butoir. Excepté Eyes Wide Open qui fait office d’articulation centrale et d’interlude (très) amélioré, Beyond Your Beliefs, c’est cinq gros pavés tournant entre huit et onze minutes s’étalant sur les trois faces d’un double vinyle (la dernière face n’est que du vide). Respirez, ça va bien se passer.
Il faut juste plus de temps pour être happer par ces atmosphères prenant le temps de se répandre, sang noir coulant dans des veines prêtes à exploser. Car l’intensité dramatique est toujours bien présente, ténébreuse à souhait, collante, tragique, sans cesse sur le bord du gouffre, à titiller les nerfs. De quoi tenir en haleine sans problème. Avec une batterie qui n’a pas oublié comment rimer avec massif, force de frappe et saccage sur un passage trépidant de In The Crowd. Avec une tension brute, sans fard, des guitares épaisses aux riffs noise. Membrane n’est pas devenu un groupe post-metal lambda se perdant dans des plages sonores atmosphériques à n’en plus finir. Le noise-rock fait partie à vie de leur ADN. Il se dilue, transpire et transcende chacune de ces longues minutes pour donner une consistance aussi dure que émouvante.
Et le noir leur va si bien. Jusqu’au trépas hélas. Membrane était revenu à quatre avec l’arrivée d’un second guitariste, Mathieu Roszak. Il est décédé, emporté très rapidement par une sale maladie juste avant la sortie de Beyond Your Beliefs, donnant pour l’éternité une coloration encore plus poignante à une musique déjà déchirante à la base. Deux guitares qui donnent encore plus de profondeur, d’espace, de puissance et de possibilités à un groupe qui n’avait jamais eu une palette sonore et d’émotions aussi vaste à sa disposition.
Et qui est capable également d’en faire quelque chose de très beau et touchant à l’instar du dernier morceau You’ll Wander ou Heart avec Mütterlein invitée au chant. Son timbre de voix se marie parfaitement avec le noir et la lourdeur de cette musique. Impossible de ne pas avoir les poils qui se dressent sur l’épiderme sur toute la seconde partie de ce titre épique quand sa voix écorchée, tourmentée, rageuse défie la mélodie aussi simple que lumineuse et se mélange par la suite avec celle du guitariste-chanteur Nicolas Frère. Le grand moment de cet album. L’autre invité au chant, Stephane Azam (Crown), apporte aussi une réelle plus-value sur Lightning Skies dans une approche plus mordante et diabolique sans omettre des samples de films judicieusement placés pour étoffer un propos d’une belle richesse derrière l’homogénéité de façade.
Depuis, Membrane est revenu à trois. Beyond Your Beliefs sonne comme un aboutissement très réussi et nul doute que le trio sera se fabriquer une nouvelle aventure pour continuer à marquer le paysage musical français qui devrait être plus attentionné envers ce groupe devenu un incontournable.

SKX (18/10/2022)