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The Grasshopper Lies Heavy
A Cult That Worships A God Of Death – LP
Learning Curve records 2022

Il est grand temps d’aborder enfin le cas de The Grasshopper Lies Heavy. Un groupe qui existe depuis 2005 et dont les disques n’ont jamais trouvé écho dans ces pages alors qu’ils sont loin d’être inconnus de nos services. Un oubli qui aurait pu être réparé un an plus tôt, en juillet 2021, date de sortie numérique et du CD de A Cult That Worships A God Of Death mais la malédiction du vinyle a encore frappé. Et elle n’a franchement pas raté le groupe texan. Presque un an de retard pour un vinyle qui a débarqué fin mai 2022. Depuis, le groupe a même eu le temps de publier un autre disque, un split album avec Woorms. Vous pouvez déjà l’écouter depuis six mois. Le vinyle est prévu pour novembre. On en parle printemps 2023.
The Grasshopper Lies Heavy se définit lui-même comme défiant toutes les catégorisations musicales typiques. Et effectivement, il ne faut pas aller les yeux fermés mais les oreilles grandes ouvertes sur une discographie pléthorique pouvant révéler quelques surprises qui auront dû mal à passer si vous n’êtes pas attirer par le versant expé-ambient-psyché-bidouilleur du trio. Ça tombe bien, A Cult That Worships A God Of Death représente la face rock, noise, lourde, post-hardcore, sludge du trio sans pour autant se laisser enfermer entre ces bornes. Ça serait trop simple pour ce groupe qui aime tant brouiller les pistes. Mais si vous voulez de l’intense, de l’abrupt, qui tient plus ou moins dans un carré avec un maximum de saccages et de densité à l’intérieur, cet album est pour vous.
Et notamment la première face. Pour un groupe très porté généralement sur l’instrumental, le chant, sans être envahissant, devient une arme redoutable. Le guitariste James Woodard s’en donne à cœur joie, sans retenue et toujours à bon escient pour expulser du fond de la gorge un gros et profond rugissement libérateur. Hormis l’intro Untitled pour s’échauffer en douceur, les quatre titres suivants sont lourds et tournent à pleine puissance comme Melvins n’en fait plus depuis très très longtemps avec une agilité constante et une rapidité d’exécution étonnante vu le poids de la bête, des cassures qui passent crème pour que la fureur soit encore plus belle (l’excellent Charging Bull, rien que ce titre est tout un symbole), une tension de tous les instants, un grain énorme qui s’abat comme un déluge de plomb et qui enterre tout le monde vivant.
A peine le temps de reprendre son souffle (pour tourner le vinyle) et TGLH repart de plus belle avec les presque neuf minutes de A Cult That Worships A God Of Death Parts I-IV. Le trio retrouve son goût pour les morceaux sans chant et fait surtout preuve de subtilités, de contrastes, d’une créativité, d’un souffle épique et rude amenant ce disque à des degrés supérieurs de béatitude pour lui donner une dimension encore plus épaisse. Et comme Bullet Curtain et le dernier écrit en je ne sais pas quelle langue sont constitués du même bois, cette face B est comme la rencontre de la sauvagerie d’un Sumac avec des atmosphères plus post-rock, sombres, tendues où tout s’enchevêtre dans un chaos savamment maîtrisé et des constructions s’élevant sans artifice vers un ciel où vous finissez par planer. La lourdeur n’est plus de ce monde. The Grasshopper Lies Heavy a tout pris pour lui, vous pouvez aller tranquille. Un culte qui vénère un dieu de la mort. On se contentera pour l’instant d’adorer ce disque.
Et vous pouvez prolonger le plaisir en écoutant Collection I, un CD (2019) regroupant des morceaux éparpillés sur des splits (notamment une cassette avec Hawks et le split LP avec Gay Witch Abortion) et qui sont dans le ton du présent album ou leur reprise de Mouth Breather de Jesus Lizard. Ces gens ont très bon goût.

SKX (16/06/2022)