greenblue
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hozac

Green/Blue
Offering – LP
Hozac records 2022
Paper Thin – LP
Feel It records 2022
Worry – 7’’
Feel It records 2022




Jim Blaha reprend la cadence de sortie effrénée qui était l’apanage de The Blind Shake et publie coup sur coup deux albums en cette année 2022. Nul doute que la pandémie qui a bloqué la planète a également freiné les ardeurs de Green/Blue et que dans un monde parfait, non seulement on se ferait chier mais Offering serait sorti logiquement en 2021, soit juste un an après le premier album self-titled de 2020. On n’arrête plus Green/Blue. Tellement qu’un nouveau single dont le vinyle est prévu pour mi-décembre est dans les rampes de lancement.
Reprenons le cours de (la petite) histoire. Offering a pointé le bout de ses sillons en janvier. J’étais à la plage. Un disque qu’il est très difficile à dégoter si t’étais pas à l’heure. Ou résident des États-(pas trop)Unis d’Amérique. Jim Blaha n’est plus au four et au moulin. Annie Sparrows est cette fois-ci embauchée à plein temps. Dan Henry (The Soviettes, France Has The Bomb) débarque à la batterie. Sans oublier Hideo Takahashi pour la partie scénique. Et si Blaha continue de tout composer, Green/Blue avance comme un vrai groupe. Ce qui en réalité ne fait pas grande différence avec le précédent album. Blaha sait comment faire sonner sa musique vu qu’il s’enregistre aussi. Alors seul ou à plusieurs, Offering s’aligne sur la planète Green/Blue et surfe toujours sur ce mélange affriolant de punk trépidant à la sauce garage ou de rock sec aux entournures, débarrassé de toutes enluminures mais surtout pas d’une parure mélodique illuminant chaque morceau. Avec cet équilibre mystérieux et encore plus prononcé entre entrain et spleen palpable, ce ton qui pourrait s’annoncer guilleret s’il n’était pas voilé d’un certain doute sur l’ordre du monde d’un disque conçu en plein confinement. C’est léger avec ce mélange des chants entre Blaha et Sparrows, harmonieux, vaporeux souvent, des mélodies pleines d’allant, une guitare vive et squelettique se confrontant sans cesse à une tension sous-jacente, une rythmique simple, rigide et des climats où les nuages gris ne sont jamais loin, un truc de triste dans le fond. Ne jamais se fier aux apparences d’une musique qui semblait trop évidente. Et puis vous avez tout le talent de Jim Blaha pour écrire des morceaux qui eux aussi ont l’air simples et faciles et bénéficient surtout de son énorme expérience et habilité à tout épurer en gardant que le nerf, avec des accroches en cascade, l’arpège qui fait toute la différence (Disregard), tout ce qui fait de Offering un album fortement séduisant, qui coule de source avec suffisamment de relief et d’amertume pour que le plaisir reste longuement en bouche.



Pour le troisième album Paper Thin publié juste avant l’été, Green/Blue s’est reconcentré autour du duo Blaha/Sparrows. L’ancien ou le toujours membre de The Blind Shake (mais j’ai un gros doute) continue d’être le seul maître à bord pour la composition et l’enregistrement. Par contre, tous les instruments sont joués à deux. Ce qui ne change pas une nouvelle fois la donne. Le groupe de Minneapolis laboure toujours un lopin de terre identique et vous savez quoi, c’est encore meilleur. Comme des compositions encore plus tendues, nerveuses, fuselées, entraînantes pour danser en sanglotant car réside cette mélancolie qui colle, cette face sombre derrière les sourires des dix morceaux irrésistibles aux mélodies imparables (Away, Moving One). Green/Blue apporte même dans sa tambouille qui n’aime pas trop les étiquettes une approche plus post-punk et volontaire à la Dïat/Glass, voir new-wave avec des rythmiques qui claquent et des titres sacrément percutants (Gold, Paper Thin avec une intrépide attaque de basse), des ondes synthétiques qui rôdent (le génial In Time), des escapades plus intimistes qui laissent rêveur (le beau Floating Eye ou Blank Stairs) et un envoûtement général de titres à la consonance plus durs mais toujours contre-balancés par des chants jouant l’apaisement et le trouble sensuel. Green/Blue a haussé le ton et délivre son meilleur album. Du grand art.





Le single deux titres Worry/Gimme Hell n’est prévu que pour fin décembre sur le label de Cincinnati Feel It records. Vous pouvez quand même déjà l’écouter (et le télécharger à prix libre, comme Paper Thin) sur le site de Green/Blue. Noël avant l’heure. Toujours à deux, Blaha et Sparrows délivrent avec une facilité déconcertante pour le péquin moyen deux hymnes se ressemblant dont Green/Blue a le secret. Deux titres enregistrés pendant la session de Paper Thin mais qui n’ont pas trouvé place sur le troisième album. Et pour cause, Worry et Gimme Hell s’inscrivent plus dans la lignée de Offering et auraient presque fait tâche dans la noirceur de Paper Thin. Car pour le coup, pas de nuages noirs qui traînassent dans les parages. Ça se reprend en chœur avec Annie Sparrows chantant pleinement et allègrement (Blaha passe son tour), répétitif et motorik avec le riff de guitare qui dérape brièvement sue la fin, ça se danse sans arrière-pensée, ça se boit aussi, comme un petit lait bien épicé, d’une seule traite en salivant. Ça sonne comme deux classiques intemporels, aussi bien Modern Lovers qu’un nouveau projet de John Reis (Hot Snakes). Une belle friandise à consommer sans modération.

SKX (05/11/2022)