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Buñuel
Killers Like Us – LP
La Tempesta International/Profound Lore records 2022
Killers Like Us. C’était pas la peine de le préciser.
Ça fait deux albums que Buñuel nous invective, menace, terrorise
les tympans. L’instinct du tueur, aucun doute là-dessus, Eugene
Robinson et ses affranchis italiens en sont imprégnés. Regard
d’acier, sang froid, muscles contractés, Buñuel affiche
clairement ses intentions avec Killers Like Us. Et c’est pas
le .44 Magnum personnel de dirty Eugene qu’il a mis en joue sur la
pochette avec six balles qui prouveront le contraire.
Un disque qui met fin à une trilogie (heureux de l’apprendre).
Après les gros insectes avec comme des têtes de mort sur
le dos de A
Resting Place For Strangers, les serpents de The
Easy Way Out, place au requin de Killers Like Us. Blanc
évidemment le requin, prêt à croquer du genre humain
qui l’a bien cherché. Tout un bestiaire où ça
rampe, louvoie, approche de sa proie par surprise avant de frapper soudainement
et ne lui laisser aucune chance de s’en tirer. Et Killers Like
Us est plus sournois que jamais. Buñuel est un tueur sanguinaire
capable d’attaquer brutalement sans préliminaire, ce qui est
le cas par exemple de Roll Call, de phénoménales
agressions gratuites qui saisissent par leur degré de violence
et un bûcheron (Franz Valente) qui fend en deux sa batterie.
Cependant, Buñuel n’est jamais aussi magnétique, redoutable
et magnifiquement malsain quand l’attaque n’est pas frontale.
Et Killers Like Us regorge de pièges, de marécages
dans lesquels s’enfoncer. De rythmes plus pesants que rapides, de
structures narratives charriant de sombres pensées, du salement
lancinant, une longue chute sans fin dans un puits sans fond. Plus écrasant
qu’explosif. Tuer par étouffement. Et par abandon. When
We Talk et Even The Jungle sont deux compos culminant au-delà
des sept minutes dans cet art si subtil du supplice par fausse lenteur
et tension à son comble sans que jamais ça vous pète
à la tronche. Le titre d’ouverture Hornets a le droit
aussi d’être cité. The devil is in the details.
Et comme d’habitude, le chanteur d’Oxbow est passé maître
pour vous faire sentir tout petit, faire couler de vilaines sueur froide
dans le dos, vous hypnotiser par le charisme et la puissance de sa voix,
cicatrice de toute une vie. Et celle d’Eugene doit en être
remplie étant donné toutes les émotions, les failles
et la rage que son chant vous met sous le nez. Alors quand Kasia Meow
débarque sur Crack Shot avec son air tout mélodique,
la sensation est très étrange. Un refrain avec autant de
lumière dans un monde si noir, ça fait mal aux yeux (et
aux oreilles) mais on s’y fait. Sur For The Cops, c’est
la basse évoquant Joy Division qui interpelle. Mais Buñuel,
en bon assassin qu’il est, brouille les pistes à merveille,
sait maquiller les scènes de crimes, fait monter le taux de stress
avant le coup final fatidique retentissant, torture les esprits par une
guitare bruitiste et expérimentale dans les accords retors qu’elle
assène pernicieusement et offre un tas d’interprétations
possibles tant le scénario est riche en rebondissements, en profondeur
et en complexité alors que tout semblait n’être qu’une
affaire d’action pure et dure. Une écoute exigeante mais frissons
garantis.
SKX (06/04/2022)

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