babyfire
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Baby Fire
Grace – CD
Off records 2022

Aimer est difficile, mais l’amour est une grâce. Cette citation de Violette Leduc au verso du digipack de Grace donne le ton du quatrième album de Baby Fire. Sous le signe de l’amour avec tout ce que cela comporte de beau, douloureux, triste, violent, poétique, ardent, délicat. Autant de qualificatifs s’appliquant à ce nouvel album. Et bien plus encore. Après le EP Searching For Grace qui avait annoncé la couleur, on peut avancer sans problème que la grâce, Baby Fire l’a définitivement trouvée.
Avec Dominique Van Cappellen-Waldock en maîtresse de cérémonie, Baby Fire effleure du bout des doigts cette sensation troublante, ce sentiment plus ressenti que compréhensible, qui fait de Grace un album à fleur de peau mais ne s’étiolant pas à la première caresse, sensible et granuleux, apaisant et tourmenté.
Désormais loin des figures comme PJ Harvey et Carla Bozulich qui étaient les points de comparaisons habituels, Baby Fire possède avec Grace son propre lexique. Onirique, presque mystique parfois, de plus en plus éthéré au-dessus de nuages noirs et bas avec un contraste entre les paroles radieuses, porteuses d’espérance (dans un sens quasi spirituel), le message général qui met l’amour au centre de tout (My heart is the center of my power) et les ambiances sombres, très mélancoliques, cet aspect toujours rugueux, une angoisse qui transpire à chaque instant. Dualité accentuée qui devient unique.
Chants/vocalises très travaillés et importants mais soufflant d’une seule voix avec le soutien des backing vocals de Lucile Beauvais (guitare, synthés, harmonica) et Cécile Gonay (basse, violon) mais aussi Eve Libertine et GW Sok (Love) ou Laetitia Shériff (Eternal). Minimalisme et sobriété de la musique malgré la richesse de l’instrumentation et les nombreux musiciens qui sont venus prêtés main-forte. En vrac, Mike Moya (Godspeed You Black Emperor) pour de la guitare sur Grace, Déhà pour la basse sur Dance! ou les batteurs Christophe Van Cappellen et Mathias Bressan puisque la moitié des dix morceaux comporte une batterie, sans oublier la boite à rythme sur Love et This Is A Love Song (contrairement à Public Image Limited). Des compos sur la retenue mais qui brûle d’un feu fébrile. Des accords d’une lenteur incantatoire dont l’écho se prolonge intensément. Des tournures plus rock et immédiates (A Spell, Fleur De Feu, Dance! qui ne fait pas spécialement danser mais titre le plus excité qui donne envie de s’agiter) et des compos sépulcrales, à la sensibilité gothique (Sing In Brightness), tétanisantes (Prayer) ou majestueuses et enlevées avec Grace, morceau central de près de huit minutes s’articulant comme un château de cartes à la structure aérienne, fragile avançant dans un magnétique crescendo, une spirale habitée et irréelle. Mais dans tous les cas, des compos élégantes et frissonnantes, en suspens dans un halo de ténèbres avec une fine onde de lumière qui éblouit. Baby Fire, touché par la grâce.

SKX (22/06/2022)