teethgrynder
isolation


Teethgrynder
Hostages – LP
Isolation records 2021

Teethgrynder, c’est Jay Thurley. Un Écossais qui a mis ses vêtements de braise. L’ange noir ricane. Un univers couvert de ténèbres. Ça rend les jours minces et brutaux. Une tristesse sans cause mais tenace et pénétrante. Une lumière vacillante au bout de son clou de métal rouillé. Une violence orageuse au fin fond d’un ancien cratère cherchant une nouvelle issue. Avec des nappes de clarté blanche de chaleur qui font mal aux yeux. Contemplatif, tourmenté, générant des milliers d’images pour un film singulier. Une plaie dépouillée qu’il arrose d’un jus finissant de ronger les chairs et des fulgurances qui durent pour supporter la douleur.
Teethgrynder annonce que c’est son quatrième album. Mais du passé il n’en reste que des miettes face à un Hostages qui les écrase d’une hauteur supérieure. Une histoire d’atmosphères qui vous happent, vous hantent, multiples et voraces, inclassable car empruntant à trop de genres afin de former un récit fragmenté, des chapitres aux personnages changeants, à l’instrumentation nombreuse, à l’humeur composite et la forme caméléon bien qu’au final, le fond soit non négociable. Hostages est drapée de noir, il en est copieusement tatoué comme le protagoniste.
Tout n’est pas magnifique et inoubliable comme Zeal, The Assassin qui finit par tourner en rond sur un thème de base qui s’annonçait pourtant prometteur. Mais c’est un disque qui possède du charisme, de l’épaisseur avec des évènements et de l’action à chaque titre, une profondeur et un grain incomparables.
Et dans l’élaboration de son chantier, Jay Thurley n’était pas seul. Les collaborateurs de longue date Alexis Marshall (Daughters) dont le titre Votive Sighs n’est pas sans rappeler son récent album aussi solo que celui de Teethgrynder et Evan Patterson (Jay Jayle, Young Widows) sur Not Lonely mais aussi Robert Vaughan (guitariste de Bossk), la chanteuse Lisa Mungo (Filth Is Eternal) et une poignée d’autres. Paraîtrait-il que même David Yow (The Jesus Lizard) soit passé par là mais on sait pas trop bien où exactement et Thurley laisse planer le mystère.
Des pics d’intensité épousant la silhouette d’un Zëro/Bästard sur l’introductif et génial Devilman, Vanity, The Fool qui cavalcade sans jamais perdre son souffle, Casey Rowe’s Ghost qui n’aurait pas souffert sur un album de Heads avec une basse obsédante qui retourne les sens. Et plein de fissures et d’élégante mélancolie, des claviers, un saxo, des fritures électroniques, des frissons jazzy, de la dévotion et du Nick Cave avec la voix de Leonard Cohen sur le vibrant Stare At The Ground (et non pas stay underground comme je l’avais compris initialement, ce qui m’allait très bien aussi) marquant la fin d’un disque ne s’égarant jamais en chemin.
Mais c’est une fausse fin. Sur le coupon de téléchargement, six titres supplémentaires, de quoi graver un double-album. Dont les douze minutes de l’envoûtant Cyclops, sa sourde basse répétitive et aliénante pour une ambiance aussi onirique qu’angoissante ou le narratif The Steer avec son motif de guitare acoustique entêtant et aussi des titres plus synthétiques, électro et expérimentaux qui parachèvent un projet polymorphe, ambitieux, captivant et marquant le véritable acte de naissance d’un artiste inventif que vous feriez bien de démasquer au plus vite.

SKX (31/12/2021)