oilyboys
staticshock


Oily Boys
Cro Memory Grin - LP
Static Shock records 2020

Oily Boys, un nom qui envoie du rêve. Quatre Australiens qui ne sentent donc pas le sable chaud et publiant depuis leur Sydney natal Cro Memory Grin, un premier album déroutant. Avec le guitariste de Low Life (Kerem ‘Dizzy’ Daldal) mais aussi le batteur Yuta Matsumura qui s’affaire avec Low Life uniquement pendant les concerts, Oily Boys s’inscrit dans une mouvance punk-hardcore, notamment grâce ou à cause de la voix vindicative et graisseuse d’un chanteur (Drew Bennett) qui prend de la place (au point d’avoir sa photo à lui tout seul sur l’insert).
Et pourtant, Cro Memory Grin est un disque largement déviant, débordant, explosant, suintant du cadre comme la vermine qui voudrait faire de mauvais coups et occupant des espaces plus bizarres et borderline. Oily Boys a mis du temps pour donner suite à Majesty, un single qui avait vu le jour en 2014. De concerts épiques en attente fébrile d’un public qui quémandait sa pitance, Oily Boys a voulu sortir un disque qui sonne aussi lourd, visqueux et imprévisible que les concerts où Bennett semble donner toute sa pleine (dé)mesure. Je ne pourrais comparer mais ces trois qualificatifs collent assez bien au vinyle bleu de Cro Memory Grin.
Oily Boys mastique sévère une pâte graisseuse, noire, sale et recrache des glaviots s’écrasant en moins d’une minute ou guère plus. Mieux vaut pas se trouver sur le passage de Kiss The Rat, Headstone, C.B.D. ou My Sex Life sauf si vous aimez vous faire écraser par la puissance d’un troupeau de bisons qui n’a pas brouté depuis deux hivers particulièrement rudes. Mais on sent déjà poindre un truc qui cloche, une façon de faire qui les fait sortir d’un carcan hardcore-punk bas du front, que ce soit dans le traitement sonore ou quand My Sex Life fait un fondu-enchaîné avec Lizard Scheme, complainte désaxée et éclatée qui n’est qu’acharnement gratuit mais ô combien jouissif sur une victime choisie au hasard. Stupid is stupid does jazz boy.
Le guitariste possède parfois ce son particulier qu’on retrouvait déjà chez Low Life, une consonance post-punk, années 80, presque new-wave, un truc bizarre mais très seyant qui se fond parfaitement dans le décor brut de décoffrage. Un mélange de sauvagerie et d’artifices habiles, du féroce avec comme un voile de sombres tourments. Et surtout, quand on croit saisir Oily Boys, c’est là que le quatuor vous glisse des doigts. Des rythmes ne s’abattant plus de façon aussi drastique et sans issue de secours. Un hurlement de désespoir certes très viril mais qui devient touchant (Given) ou présentant un visage presque humain et mélodique (Heart Harmony). Une urgence palpable qui ne se manifeste pas par une grosse mandale dans la tronche (Cabramaverick et le morceau Cro Memory Grin).
Et encore plus inattendu mais fortement captivant, quand Oily Boys devient poisseux, rampant, soupèse les gestes et sa force de frappe, prend la tangente avec Stick Him et Bennett qui a la bonne idée de souffler dans un saxo, instrument prolongé de sa fureur n’ayant pas l’air feinte et qu’il promène tout au long d’un disque marqué par son empreinte vocale charismatique. Et le pompon est définitivement décroché avec les huit minutes et quelques de Gtrance, Oily Boys basculant dans une autre dimension où il n’est plus question de genre ou de plans établis, juste lâcher les amarres, tordre l’ordre et le désordre et jouir dans un grand bain de dissonances d’une pseudo lente transe tendue et répétitive comme un Flipper qui finirait par s’auto-consumer sous le poids et la fièvre de son propre délire. Et autant préciser que Oily Boys n’est jamais aussi prenant quand il semble perdre pied, devient une entité incontrôlable et vertigineuse.
Alors casez ce disque où bon vous semble et n’ayez pas peur de son aspect radical, c’est du violemment bon qui ne s’entend pas tous les jours.

SKX (28/01/2021)