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Nitritono
Eremo – LP
Longrail/I Dischi Del Minollo/Vollmer Industries/Shove/Brigante records 2020

Nitritono est un duo italien de Cuneo (Coni en français), au pied des Alpes. Eremo est leur second album et chacun des trois cents exemplaires contient une des quatre cartes postales sélectionnées par le groupe avec une photo d'un des lieux mentionnés dans les titres des chansons qui sont pour eux des moments de solitude recherchée, des lieux qui leur sont chers. L’exemplaire n° 259 représente une large vue d’une campagne apaisée et enfouie sous la brume. Et avec les trois autres photos qui montrent de larges étendues désertes et mélancoliques, il se dit que Nitritono va nous assommer avec un post-rock instrumental et que jamais on s’en dépêtrera de ces poncifs.
Heureusement, Nitritono n’est pas aussi prévisible que ça. Les clichés ont la vie dure. Nitritono est capable de composer de longs morceaux (trois dépassent les six minutes), d’assurer des plans nombreux sans parole mais jamais rien de désespérément ennuyeux et les éclats de voix sont importants. Nitritono donne vie à un noise-rock aventureux, épris de grands espaces que le duo guitare-batterie arpente avec vigueur et âpreté et une recherche constante pour couvrir leurs compos d’ambiances aussi prépondérantes que les profondes et noires mélodies qu’il génère. Nitritono gratte le sol, taillade les roches, convoque le tonnerre, malaxe le fer, expérimente les sons, ébranle les structures. Rien n’est écrit d’avance. Tout est possible. Le scénario d’Eremo est ouvert à tous les vents et ils vont sur chacun des six titres souffler dans une direction différente et envoûtante.
Et quand la guitare prend cette sonorité particulière, coupante, cristalline et blanche comme sur Passo di Terre Nere, on décolle instantanément pour survoler de grandes et nobles surfaces gorgées d’effets abrasifs, d’une mélodie épique, d’un chant grondant pour évoluer sur une partition digne d’une montagne russe qui fait monter crescendo la pression et amène au bord d’un splendide gouffre. La solitude a un prix. Bric Costa Rossa et Costa da Morte sont aussi de puissantes forces motrices qui tendraient presque vers le post-hardcore quand le chant rageur et tourmenté se met en branle mais Eremo est un disque bien plus subtil, détaillé et plein d’imprévus pour se laisser aussi facilement attraper. C’est une belle et grosse vague ténébreuse qui secoue autant qu’elle met en transe, aussi enveloppante que menaçante avec suffisamment d’idées et de dextérité, de coups de semonce, de brisures et de vague à l’âme pour en faire une musique prenante et personnelle de bout en bout. Nitritono dit que leur musique est l'ermitage (Eremo) dans lequel ils se sont enfermés pour se défouler et exprimer ce qu’ils n'auraient pu dire autrement. L’incarnation est parfaitement réussie.

SKX (12/02/2021)