mamaleek
theflenser
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Mamaleek
Come & See LP
The Flenser records 2020
Mamaleek est un drôle de phénomène. Et ça fait
plus de douze ans que ça dure. Mon histoire avec ce groupe de Los
Angeles va commencer directement avec ce septième album, Come
& See, qui a failli aussi passer à la trappe. Pour avoir
essayé de rattraper le retard et écouté ce qui précédait
ce disque, cest suffisant, je me contenterais de Come & See.
Pas que le passé soit mauvais mais cet album est dune autre
trempe, un impact largement plus fort et conséquent.
Jusquà maintenant, Mamaleek était un duo. Deux frangins.
Personne ne connaît leurs noms. Personne na vu leurs visages
dans les rares concerts du groupe où ils jouent voilés.
La seule photo qui existe de leurs tronches et quon peut supposer
être eux, cest la photo jaunie de leur profil bandcamp sur
laquelle apparaissent deux visages souriants de gamins blondinets avec
une peluche qui ne présagent en rien des ravages dont ils seront
capables bien des années plus tard.
Pour la première fois sur Come & See, Mamaleek joue
en groupe avec dautres membres (dont on ne connaît également
pas les noms) avec une vraie batterie, un volume explosif, une énergie
nouvelle et une violence décuplée. Le black metal est leur
point de départ dans la vie mais il a toujours été
déviant, expérimental, surprenant, mutant dalbum en
album dont pas un se ressemble, jusquà devenir une trace,
un état desprit plus quun élément audible.
Avec Come & See, le métal noir, ce sont surtout les
cendres que laisse Mamaleek après son passage. Une odeur de soufre,
de territoires dévastés, de regards hagards et un goût
de cramé dans la bouche. La centrifugeuse Mamaleek a tout broyé.
Enregistré dans des conditions live avec très peu doverdubs
prennent-ils le soin de préciser, Come & See est un
copieux plat de six morceaux tous taillés entre cinq et dix minutes.
Cest un noise-rock de lextrême, brutal et pourtant très
travaillé, éclectique, ambitieux. De nombreuses traces dautres
courants musicaux passent à travers leur prisme unique. Il est
question de free-jazz avec la présence débridée de
cuivres, du solo de guitare écorché passant à merveille,
un blues malade, des rythmiques inventives, des arpèges de toute
beauté, des bouts de mélodies qui surchauffent, illuminent
(Elsewhere et Eating Unblessed Meat) et dont il navait
jamais été question jusque là chez Mamaleek, des
passages déchiquetés sur White Of The Eyes (Cowards),
une furie noise, une tension exacerbée, de multiples parties simbriquant
pour former un tout imprévisible, colossal et démoniaque.
Un groupe pas banal et exalté dont le seul nom qui me vient en
tête est le Oxbow de Serenade In Red et An Evil Heat.
Dans cette façon ultime daborder le rock au sens large, de
jouer avec toutes les facettes du bruit et les affres de ses dissonances,
cette force tellurique qui sen dégage, la hargne carnassière
emprunte dangoisse et dune classe infinie. Jimagine
le carnage quaurait fait un Eugene Robinson au micro chez Mamaleek
là où le chant peut parfois manquer de variétés,
de nuances. Je laime pourtant ce chant rauque, boucané, continuellement
rageur, proche de la démence, se lamentant tous les cris de son
corps, vociférant comme un damné, mettant la musique toujours
sous pression, lui donnant une dimension encore plus sauvage et radicale
mais sachant aussi se taire quand il faut. Cest important de respirer.
Et respirer, il nest pourtant pas facile de le faire avec ce disque
exigeant et absolu. Un disque patiemment charpenté, gardant toujours
une optique rock et un cap structuré et percutant par delà
sa démesure. Il a fallu du temps pour que Mamaleek arrive par ici
mais il va laisser une sacré empreinte. Titanesque.
SKX (23/02/2021)
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