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Alexis Marshall
House Of Lull. House Of When – CD
Sargent House records 2021

Alexis Marshall, le chanteur de Daughters, a publié dans le courant de l’été dernier son premier album solo et ce n’est pas le genre de disque que vous aimez vous passer régulièrement, tranquillement, comme si de rien n’était. C’est un disque difficile, dérangeant, radical par bien des aspects et s’il reprend quelques éléments du monde flippant de You Won’t Get What You Want, Marshall en propose une version encore plus décharnée, apocalyptique, industrielle, l’angoisse qui monte d’un cran, la paranoïa à son comble, un sinistre voyage éreintant mais bizarrement magnétique et douloureusement attirant. Vomit tes cachets.
House Of Lull. House Of When est un disque focalisé sur le rythme plutôt que sur les mélodies quasiment absentes, sur les accidents, les improvisations, la spontanéité, les défauts qui sont gardés mais tout ça ne sonne définitivement pas comme une joyeuse bande-son où les protagonistes montrent tout le bonheur qu’ils ont eu à bricoler cette musique. De la douleur, rien que de la douleur. Kristin Hayter (Lingua Ignota), Evan Patterson (Jay Jayle, Young Widows), Jonathan Syverson (batteur de Daughters) et Seth Manchester qui a enregistré et produit l’album ont accompagné Marshall dans sa (forte) quête expérimentale et tout ce beau monde était archi tendu sur un même objectif. Expulser des démons intérieurs et ça, c’est pas franchement le genre de truc qui amuse.
Les paysages sonores sont pleins de silences lugubres, de rythmiques erratiques dont la source est non-identifiée résonnant dans un vide macabre, le grandissant par la même occasion, le rendant assourdissant, des volumes plus grands que des abîmes. Avec des accès de violence, du feedback qui grince, des cris qui se démultiplient, des spoken-words intenses et aussi des phrases que Marshall aime à répéter jusqu’à plus soif (comme I am here sur Drink From The Oceans. Nothing Can Harm You ou Young man you have no other sur Religion As Leader), quelque chose qui ressemble à des mantras qui ont une certaine tendance à se transformer en gimmicks qui portent sur le système. Mais dans l’ensemble, dans cet équilibre précaire et squelettique formé à partir de trois fois rien, Marshall a réussi à créer un chaos qui se tient, plus d’une fois cathartique et prenant, tristement beau sur Youth As Religion et Night Moving, les deux seuls compos plus apaisées et sépulcrales.
House Of Lull. House Of When, un voyage étrange, sauvage, comme une copie blanche sur laquelle Marshall a jeté toute son anxiété sans chercher à tout contrôler. C’est parfois hasardeux, stressant mais c’est surtout un cri personnel et singulier qui vaut le coup d’être entendu.

SKX (14/11/2021)