luggage
huskypants


Luggage
Happiness – LP
Husky Pants records 2021

Quelque chose m’a chiffonné d’emblée à propos de ce Happiness. Quand vous adorez un groupe, il suffit parfois d’un petit grain de sable pour enrailler votre horloge personnelle vous liant intimement et inexplicablement à un groupe. Ça sonnait comme du Luggage mais c’était pas comme d’habitude, comme sur leurs précédents albums Shift et Three. Flottait dans l’air un parfum légèrement différent. Des morceaux pas aussi développés, recherchés, courts pour du Luggage, rien qui dépasse les cinq minutes comme auparavant, pas aussi profonds et prenants, plus fugaces à l’instar du premier titre Happiness qui laissait un peu sur sa faim. Le trio de Chicago accélérait même franchement le pas sur le suivant, Lie Design, un titre alerte, entraînant, quasi euphorique et inédit en tout cas pour ce groupe qui nous avait habitué à plus de retenue et de froideur. Et question rythme qui s’active et impression générale d’une musique plus nerveuse, Happiness n’attend pas et montre un nouveau visage plus direct et énergique.
Écrit pendant la pandémie qui a mis le monde à mal, Happiness, d’après les propres dires de Luggage, a vu son processus créatif souvent interrompu, des sessions d’écritures moins fréquentes. À la base, ce sont nos morceaux les plus minimaux en termes de parties et de structures, mais une fois en studio, nous avons pu les étoffer avec une palette sonore plus large que jamais, de sorte qu'il s'agit de notre travail le plus étoffé malgré les fondations épurées. Voilà pour l’explication. Ce n’était donc pas qu’un parfum dans l’air.
Mais ce parfum, il a fini par se fortifier et Happiness, j’ai fini par le trouver. Par des sonorités nouvelles déjà comme cette guitare tranquillement acoustique sur Rot, par une guitare lap steel jouée par le bassiste Michael John Grant sur Fear donnant à cette compo une aura subtilement envoûtante ou par ces drôles de bruits à la fin de Idiot Bliss. Le chanteur-guitariste Michael Vallera est même crédité au piano mais je cherche encore sur quel titre. Le sens accru du détail, de la guitare merveilleuse et trépidante sur le remuant Wealth, d’une lourdeur appuyée et vibrante à la Heads sur Idiot Bliss et d’un sens de la composition qui n’a pas perdu sa pertinence. C’est plus chaud, rapide, tendu mais ça reste minimaliste, répétitif, ça suinte le désespoir en toile de fond, l’angoisse blafarde, une sobriété poignante et maladive qu’une voix blanche et le plus souvent parlée magnifie.
Un mini-album six titres comme une transition. Paradoxalement, c’est avec ce disque que le trio signe son disque le plus personnel, son noise-rock made in Chicago se détachant doucement mais sûrement d’influences plus visibles jusque là. Le futur nous dira si ce n’est qu’une parenthèse ou une vraie évolution. Ce qui est sûr, c’est qu’on continuera de suivre Luggage jusqu’au bout du monde parce que ce groupe est un véritable coup de cœur qui dure, quelles que soient les embûches.

SKX (11/10/2021)