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Le Tigre Des Platanes
Terminus Radioso – CD
Mr Morezon records 2021

Quand deux membres des éminents Cannibales & Vahinés se présentent au générique, l’oreille devient tout de suite plus attentive. Le Tigre Des Platanes, du nom de cette insecte importé du nord du continent américain et qui a dévasté les platanes européens, comporte dans son antre Marc Démereau (saxo alto, baryton, synthé) et Fabien Duscombs (batterie) qui ont fait monts et merveilles avec G.W. Sok et Nicolas Lafourest le temps de deux albums dont j’aimerais tant une suite. Mais tout est peut-être une question de patience. Le Tigre Des Platanes n’avait pas donné de nouvelles depuis 2013 et le justement appelé Disappearing. C’est pour mieux resurgir de sa boite mon enfant. Avec une note très triste à la clef. Un des protagonistes du groupe, Piero Pépin (trompette, bugle, synthé) est parti à 52 ans souffler pour l’éternité et Terminus Radioso sera son dernier enregistrement à tout jamais. Il a été remplacé depuis par Nathanël Renoux et avec le quatrième lascar Mathias Imbert (contrebasse), leur quatrième album Terminus Radioso (titre inspiré par le roman Terminus Radieux de Antoine Volodine) est pourtant tout le contraire du chagrin. C’est une onde de bonheur, une joyeuse déflagration débridée et colorée, comme un hommage a posteriori parce qu’on ne va pas se dire adieu en pleurant.
Comme avec Cannibales & Vahinés, Le Tigre Des Platanes a le free-jazz décomplexé et aventureux et fait preuve d’une inventivité qui fait feu de tout bois. Entre des airs de fanfare démanchée, des roulements de tambours grondants ou frétillants, des angles d’attaques plus cassants et rock, des mélodies de cuivres flottant dans l’atmosphère pour la rendre plus légère, des mélopées fluides filtrant les eaux troubles d’avoir trop vu, trop entendu, des embardées free qui couinent à la lune ou une valse bancale qui rend mélancolique au petit matin, Terminus Radioso crée un monde poétique avec des vases communicants, sources d’un imaginaire riche et irrépressible. Un disque d’errance trouvant sur son chemin multiples détours, obstacles, clins d’œil référencés, nuages noirs chassés d’un coup de baguette bien senti, clairières baignées de lumières mouvantes et rivières ombragées sur lesquelles il est bon de se laisser transporter dans l’insouciance en remettant à demain les tourments, à l’instar de la peinture de Marc Démereau qui sert de pochette. Terminus Radioso, c’est pas la fin qui compte, c’est le périple, il est abondant, radieux forcément et c’est là que tout (re)commence.

SKX (03/06/2021)