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pogo


Jars

Forbidden Place/POGO records 2021

Troisième album pour le groupe russe Jars et c’est la guerre. Un ravage complet, aller-retour, pour être certain que plus personne ne respire. Anton Obrazeena, chanteur, guitariste et seul membre permanent de Jars, a encore changé de partenaires avec l’arrivée d’un nouveau bassiste et batteur mais la ligne de conduite est toujours aussi féroce. D’ailleurs, six des dix compos (pour une raison inconnue, uniquement neuf titres sont en écoute sur les différents bandcamp du groupe et des labels, il manque The Best Festival, superbe titre ouvrant l’album) sont créditées avec l’ancienne formation. Il ne faut donc pas s’attendre à des bouleversements par rapport au précédent album sauf que les temps ne sont pas à la gaudriole, encore moins quand tu vis dans ce coin du monde où le sentiment de liberté est inversement proportionnel à l’immensité du pays.
Alors Jars accentue la dose de fureur, de dépit, de cris et d’éclats bruitistes à la hauteur de l’énorme frustration qui semble les habiter. Les riffs brûlent la peau, hachent menu, construisent un mur de lacérations aussi incisif que tourmenté. Le chant est particulièrement enragé et densifie bien l’espace dès qu’il en a l’occasion. La rythmique pilonne sans compter. L’impression que ça débarque de partout mais que Jars sait parfaitement où il va. Car ce disque n’est pas un mélange de noise, punk et hardcore qui en plein la vue gratuitement, bourrine allègrement et met le feu comme un pyromane en manque cruel de barbecue.
Jars fait mal mais avec justesse et en prenant soin de composer de véritables morceaux qui n’ont pas fini de vous poursuivre avec ces mélodies en fusion et des accroches imparables comme sur Sick, Mr. Visionaire ou Ultramarathon avec son décrochage juteux en plein milieu de la course pour prendre un grand bol d’air salvateur. Des morceaux qui fument les plus trépidants morceaux de Metz. Avec une dimension incontrôlable, sale et méchante supplémentaire et que tout peut arriver. Et d’ailleurs ça arrive. En version courte avec les courts missiles trash-punk Mr. Visionary et Speedcop et surtout en version longue. Jars aime sortir son noise-rock mouvant vers des contrées sauvages, plus expérimentales et à l’issue fulgurante une fois le champ magnétique du chaos franchi. C’est le cas avec Which Empire Are You ? entrecoupé de nombreuses et perturbantes secondes de silence alors que ça raffûte grave entre temps. Mechanism et le saxo d’Anton Ponomarev venant souligner d’une bonne bourrasque toute la noire beauté de ce somptueux titre. I Need Enemies jouant admirablement bien sur les contrastes, la lourdeur et le pouvoir épique dont Jars est capable tout au long de l’album. Et enfin, les dix minutes de Moscow Doesn’t Believe In Tears, immense plaque tectonique remplie de fractures, de secousses et une inclination qui va vers le plus en plus lent pour finir par mourir de sa belle mort après d’ultimes sursauts rageurs. Un grand disque de noise-rock, la confirmation qu’on tient là un groupe qui n’a strictement rien à envier à ses homologues américains et de partout ailleurs dans ce bas monde pour un nom qui devrait être sur toutes les lèvres.

SKX (24/05/2021)