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The Heroine Sheiks
Out Of Aferica – LP+flexi 7’’
Reptilian records 2005/2021

Je n’ai jamais été très assidu avec The Heroine Sheiks. C’était avant tout le groupe de l’ex-Cows, le chanteur Shannon Selberg et ça s’arrêtait à peu près là, pas besoin d’en savoir beaucoup plus. Pas facile de passer après un tel groupe qui vous a fait meugler de plaisir pendant dix ans. La suite ne pouvait qu’être en deçà, autant rester sur une bonne impression, merci pour tout. Rape On The Installment, le premier album déjà publié par Reptilian records en 2000 n’avait pas convaincu plus que ça. Les comparaisons avec les Cows étaient inévitables et c’était pas en faveur de The Heroine Sheiks. Du coup, le (mauvais) pli était pris. Les trois albums suivants ont subi une écoute très (trop) discrète. La réédition en vinyle du troisième album Out Of Aferica sorti initialement en 2005 par Reptilian uniquement en CD est l’occasion de s’attarder sur le cas de The Heroine Sheiks et de remettre les pendules à l’heure. Parce que The Heroine Sheiks vaut bien mieux qu’une écoute lapidaire.
Déjà, ce n’est pas que le groupe de Shannon Selberg bien qu’il soit le seul membre permanent et la tête pensante du groupe. A leurs débuts, Norman Westberg (Swans) et George Porfiris (Five Dollar Priest) composaient The Heroine Sheiks qui a vu aussi défiler dans ses rangs Paul Sanders (Hammerhead), Jesse Kwakenat (Stnnng) ou encore Bruce Wuollet (Killsadie). Bref du beau monde pour apporter toute leur science du bruit à ce projet qui s’était localisé à New-York. Et l’erreur a été de trop se focaliser sur les Cows. The Heroine Sheiks n’était pas aussi rock, noisy mais par contre bien plus bizarre, bancal, décalé, varié et assez inclassable. Et si c’est pour toutes ces raisons que The Heroine Sheiks n’avait pas été réellement apprécié à l’époque, c’est désormais ce qui en fait tout le sel.
Out Of Aferica, un disque étrange, déconcertant. Rien que le titre qui sent la faute d’orthographe. Et un humour raciste douteux avec aussi son East ou South Cock Asia écrit sur la pochette. En fait, pas du tout. Juste une histoire de concept anthropologique qui voudrait que l’homme moderne vient de l’Afrique, a étendu sa culture partout dans le monde il y a 100000 ans et que désormais, que ça nous plaise ou non, c’est l’Amérique qui répand sa culture et sa façon de vivre sur la planète. Dans l’esprit singulier de Selberg auquel je ne saisis pas tout, ça donne Out Of Aferica. Et aussi Cock Asia qui devient Caucasian à force d’être répété sur le morceau Out Of Aferica figurant sur le flexi 7’’ et qui était à l’origine un titre caché sur le CD.
La musique peut donc aussi laisser perplexe. Certains morceaux ont pourtant une bonne tête de Cows (Cock Asia, Brooklyntown Romeo, Break Up) et ça, c’est franchement le pied. Le groove, la trompette, la scansion inimitable de Selberg. Le feu sacré n’a pas disparu. Ça suinte régulièrement des sillons. Mais vous avez aussi un claviériste (Creighton Chamberlain) qui joue également du sample apportant une touche très loufoque, déphasée, volontairement miséreux. Des tentatives de rap à la Selberg ou qui se prend pour un crooner en chantant réellement (The Obscenery), des dérapages incontrôlés qui finissent par hypnotiser tellement on se demande où ils vont (les six minutes de Through), des compos borderlines (Pillow Talk), des trucs caoutchouteux ou faussement lancinants, extravagants, des rythmiques rock qui cognent, une guitare noise (Martin Ros) qui écorchent en beauté baignant dans des structures anormales et des sonorités fuyantes. Le monde de The Heroine Sheiks était vraiment à part et curieusement magnétique. Et ça tombe bien, c’est sur Out Of Aferica qu’il est le mieux représenté (ainsi que sur Rape On The Installment), album de rock déviant dont je suis bien content d’avoir recroisé la trajectoire.

SKX (09/12/2021)