hoaries
reptilian


Hoaries
Rocker Shocker – LP
Reptilian records 2020

Let me in supplie le chanteur et guitariste Jeff Helland sur le brûlant morceau d’ouverture I’ve Got A Room At The Plazza. Ça tombe bien, on le laisse entrer volontiers, accueilli les bras grands ouverts, tapis rouge et bouchons de champagne transperçant le plafond. Depuis leurs séries de singles et le split avec Beige Eagle Boys, le nom du groupe texan est soigneusement noté au burin sur les calepins des noise-rockers soucieux de briller parmi ces chers crétins de contemporains afin de ne pas hériter du strapontin. Un premier titre qui file grand train et montre la voie à suivre d’un album royal. On en attendait pas moins.
Hoaries a pourtant renouvelé de moitié le personnel mais rien ni personne n’aura d’emprise sur son destin. Surtout quand un des deux nouveaux s’appelle Christian Breit, soit le chanteur des fabuleux feu White Drugs qui prend ici le rôle du guitariste et reformant ainsi avec Helland, ex-White Drugs également faut-il le rappeler à votre mémoire défaillante, le couple fatidique qui va égayer vos soirées neurasthéniques. L’autre petit nouveau à la basse se nomme Bobby Weaver (ex-The Paper Chase) alors que Clay Stinnett tient toujours la batterie et aussi les pinceaux puisque, sous le pseudo de Doctor Cyclops, il est le responsable des dessins noirs ornant la pochette blanche. Et qui ne sont pas sans évoquer un certain esprit Skin Graft-ien. Ce qui est aussi le cas de certaines intonations vocales de Helland parfois proche d’un Al Johnson, mister Shorty et US Maple. La comparaison s’arrêtera là (quoique).
Rocker Shocker secoue le rock sans le cochonner, se promène sur la carte du noise-rock sans avoir l’air d’y toucher, l’amène dans d’infinies subtilités grâce à la grande sagacité des deux guitaristes, la joue agile et tonique au détriment de la démonstration de force et de la puissance de feu qui sont souvent les armes privilégiées de nombreux acolytes noise-rock. Rocker Shocker garde ainsi cette impression de fluidité et de spontanéité, ces morceaux instantanément addictifs alors que rien en apparence ne les prédispose à cette bonne étoile car la facilité n’est pas la marque de fabrique de Hoaries. Chaque titre pourtant porte en son sein des riffs étincelants, des articulations qui font décoller de bonheur, une rythmique aussi pressante que délicieusement tortueuse, une accroche abrasive qui vous emporte dans son rouage irrésistible.
Et si on pouvait légitimement se demander comment Hoaries allait procéder pour tenir sur la longueur d’un album alors que leurs courtes compos semblaient tailler idéalement pour les singles, Helland et sa bande apportent une réponse aussi évidente que brillante. Diversifier les angles d’approche, manier et marier l’urgence et les contre-pieds, complexifier parfois l’affaire pour donner un peu plus de profondeur et d’aspérités (Pearl), appuyer pour que ça fasse encore plus mal (We’re Doing This), surprendre son monde en reprenant Sade (Soldier Of Love) et n’y voir que du feu, mettre une touche de piano sur la salve Permanent Meltdown avec Britt Robisheaux qui a aussi mis en boite Rocker Shocker, appelé l’ancien pote bassiste John Newberry à la rescousse pour contribuer à mettre sa patte avec les quatre cordes et des gang vocals pour donner le sentiment qu’une joyeuse bande faisait corps pour donner vie à un album de noise-rock d’une très belle justesse. Ou plus prosaïquement, écrire une collection de morceaux de grande qualité et faire de Rocker Shocker un incontournable finement particulier. Et dans le monde impitoyable du noise-rock, ce n’est pas la moindre des gageures de savoir se démarquer.

SKX (09/02/2021)