cmptrstdnts


Hey!Tonal
s/t – 2xLPs
Cmptr Stdnts records 2021

Fini la surprise mais toujours un ravissement d’avoir en main et sous les yeux une sortie de Computer Students (ou Cmptr Stdnts pour les allergiques aux voyelles). C’est la quatrième, une par an depuis 2018 avec Big’n puis Drose et Oxes. L’emballage qui reflète l’aluminium qui ne se démode pas et toujours un grand soin apporté au packaging avec méga poster et deux vinyles d’un blanc immaculé pour faire tourner en 45 tours les huit titres n’ayant connu que le CD en 2009 sur Africantape, feu le label de Julien Fernandez qui officie désormais derrière les commandes de Cmptr Stdnts. La boucle est bouclée. Et doublement bouclée vu que Mitch Cheney a grandement collaboré à Africantape, lui le boss de Sick Room records et musicien aguerri au sein de Rumah Sakit, Sweep The Leg Johnny et… Hey!Tonal.
Une histoire de famille et surtout une histoire de batteurs pour Hey!Tonal. Si à l’époque, il avait été dit que Kevin Shea, batteur de Storm & Stress était le chaînon débutant de ce projet, c’est faux. Mitch Cheney est celui par qui tout a commencé. Boucle compte triple. Un projet qui initialement s’appelait Drummers’ Perspectives et faisait la part belle à l’idée que la batterie devait être le point de départ de l’écriture d’une compo, que la mélodie devait être inspirée par le rythme de la batterie, ce qui n’avait jamais été le cas dans les différents groupes de Cheney (qu’il se rassure, c’est assez fréquent). Chris Pyle, batteur de Royal Trux, avait d’abord été pressenti. La collaboration n’ayant pas fonctionné de par le jeu trop tribal de Pyle, c’est donc le feu-follet Kevin Shea qui a débarqué dans le projet sur lequel Alan Mills s’était greffé au cours d’une rencontre salutaire. Enregistré pendant l’été 2007 à New-York par Cheney, le jeu de batterie tellement free et improvisée de Shea a tout de suite collé aux élucubrations sonores du duo Cheney/Mills qui s’est fait un plaisir de sculpter ces bandes pour en faire un matériau à la consistance déroutante.
De rythmes, oui, il en est question. Comme s’ils se démultiplient, se chevauchent, se croisent, créant ainsi des motifs mélodiques et des milliers de notes dans lesquels les guitares se perdent, fusionnent, trépignent, intervenant également dans l’apport mélodique (le rythme reste le rythme aussi). Comme si plusieurs groupes évoluent ensemble avec des polyrythmies construisant miraculeusement de véritables morceaux bien qu’il faille oublier toutes notions de structures, de début ou de fin. Une aura de musique improvisée alors que tout est calculé à la seconde près. Une immense impression de liberté qui n’a jamais été aussi bien cadrée.
Les rythmes sont tour à tour sur le haut de la vague ou submergés par tout un flot de sonorités électroniques et mystérieuses. Des digiblips, low ends, voxicals, choppy chop chops ainsi que d’autres personnes intervenant dans ce maelstrom auditif comme si ça ne suffisait pas (Theo Katsaounis et Dave Davidson à temps complet ou Julien Fernandez et Kenseth Thibideau sur un seul titre If Flash Gordon Was A Sk8r). Le riff d’une guitare impose parfois sa loi et sa force comme sur Kcraze. Des mélodies agitées permettent de rester sur terre ou simplement respirer mais se confronter à cet unique (dans tous les sens du terme) album de Hey!Tonal est une expérience à laquelle il faut être préparée. A partir de là, ça peut être une certaine idée du bonheur car ce disque possède une originalité, un allant et une vitalité que douze années n’ont pas altérés.

SKX (22/10/2021)