bigbrave
southernlord
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Big|Brave
Vital LP
Southern Lord records 2021
Cinquième album pour les canadiens Big|Brave qui, avec Vital,
se montre aussi grand et courageux que le suggère le nom de leur
groupe. Un disque qui aborde les thèmes du genre et de la race,
ce que signifie dévoluer dans le monde extérieur dans
un corps racialisé, le métissage, sujet qui touche particulièrement
Robin Wattie (chant, guitare) qui est elle même métisse.
Le modèle de l'histoire des métisses est caché
dans chaque culture ; historiquement, nous n'avons droit ni aux privilèges
de la classe dominante ni à la communauté de ceux qui sont
dominés. Il fallait une musique à la hauteur du propos.
Les cinq longs morceaux de Vital subliment chaque parole, résonnent
bien au-delà dans des recoins intimes, c'est électrique,
ça vous ronge l'âme, ça vous donne envie de planter
vos ongles dans le trottoir et de gratter, gratter et gratter encore.
Après un précédent album
plus lumineux, le trio avec une nouvelle batteuse (Tasy Hudson) revient
à une matière plus brute, noire et minimaliste. Et puissante.
Et bruyante aussi. Big|Brave et ses deux guitares explorent et sculptent
le son, lexpérimentent, jouent avec les larsens, les saturations,
le malaxent, un front de perturbations, dorages grésillants
qui frappent agressivement mais avec une grâce qui vous soulève
et vous submerge. Lumière de l'aube qui s'ouvre comme une plaie
béante.
Vital ne marque fondamentalement pas de changement avec le style
habituel de Big|Brave reposant sur une idée de base assez simple
en fait. Un son massif, très sombre, de la lenteur ou plutôt
ce truc lancinant qui obsède, de la lourdeur qui nécrase
pas, de la répétition explosive, de la musique minimaliste
avec une approche hardcore, noise. Avec Vital, jamais Big|Brave
navait paru si proche du but, proche de trouver la quintessence
de leur matrice. Puissance et beauté, cest basique mais cest
méchamment somptueux.
Le chant à nu, sans effet de Robin Wattie accroît cette sensation
de pureté et fragilité, magnifie le contraste avec la noirceur
poisseuse remplissant le moindre trou dair. Quand sa voix débarque
soudainement au bout dune minute trente-quatre sur Half Breed
après une longue introduction jonchée de drones et dabstraction
marécageuse, il faut être de glace pour ne pas fondre. Tout
comme sur le morceau final qui a donné son nom à lalbum
et qui fait dresser les poils sur un épiderme tourmenté.
Une grande performance vocale à peine aidée par les churs
du guitariste Mathieu Ball comme des cris dun mec qui se fait enterrer
vivant sur Of This Ilk. Vital est lexpression dun
espace vertigineux, une sensation de grandiose avec un minimum dinstruments,
deffets, darrangements, quelque chose de lordre de lélégant
et du sauvage, vulnérable et salement âpre, aride et dense.
Se perdre dans les contrées saccagées de Abating The
Incarnation Of Matter qui parle de dépression et de suicide.
Se faire fourmi sous les coups autoritaires et imposants de la batteuse
qui a parfaitement compris et intégré son rôle dans
Big|Brave. Faire corps avec cette incroyable alchimie sonore et finir
par entendre le moindre détail vibrer en vous comme ce cliquetis
métallique lointain intervenant à intervalles réguliers
sur la fin de Half Breed, morceau central de la genèse de
cet album avec des paroles extraites de How To Write An Autobiographical
Novel de Alexander Chee sur le métissage et une Robin Wattie
finissant a cappella de vous achever dans un silence troublant. Un disque
prodigieusement émouvant.
Vital, ce disque lest à tout point de vue.
SKX (26/08/2021)
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