sumac
thrilljockey


Sumac
May You Be Held – 2xLPs
Thrill Jockey records 2020

Sumac est vraiment plus fort que toi. Et surtout infatigable. C’est le quatrième album en cinq ans de la bande d’Aaron Turner, à chaque fois des épais double-albums qui tiennent au bide, sans oublier deux albums qui ont vu double également avec Keiji Haino, dont le dernier pas plus tard que courant 2019. Alors je ne sais pas à quoi carbure Sumac, ce qui les fait courir comme ça mais pour toutes les personnes imprudentes sur les bords qui les suivent scrupuleusement sans geste barrière et tente de respirer sans masque le même air lourdement plombé, c’est une aubaine. Et la guérison n’est pas une option.
Alors bien sûr, on sait désormais à quoi s’attendre avec Sumac. Le trio l’a suffisamment asséné avec force coups de massue sur le crâne pour s’en souvenir éternellement. May You Be Held est bien la suite logique de Love In Shadow qui lui-même se nourrissait des albums précédents ainsi que de la rencontre avec le japonais Haino. Et ce n’est que mis bout à bout que tous ces disques prennent sens, que les détails s’affichent et qu’on s’aperçoit de l’évolution de Sumac s’orientant vers une musique de plus en plus contrastée. C’est encore plus fin et c’est encore plus brutal. Entre une violence abyssale et des champs atmosphériques très perturbés, une noirceur viscérale et un trait de caractère plus brumeux, une férocité animale d’une puissance colossale et des motifs expérimentaux ressemblant à de l’improvisation, May You Be Held est cette nouvelle épreuve qui se mérite.
Et justement, j’ai pas trop envie de m’attarder sur A Prayer For Your Path et Laughter & Silence (sur lequel Faith Coloccia (Mamiffer) joue de l’orgue), soit le morceau introductif et la conclusion de May You Be Held. Deux instrumentaux où règne un calme n’annonçant aucune tempête, avec des drones, des sifflements, du silence, un vibraphone, de la tristesse bien que les arpèges lentement cristallins, les percussions inventives et l’intensité qui va crescendo mais pas trop haut tout de même sur Laughter & Silence éveillent un intérêt poli.
Sumac, c’est quand la bête est en eux et qu’elle vous dévore que nous sommes tout ouïe. Quitte à devenir encore plus sourd. Pour ça, Sumac a tout prévu. Deux monstrueux golgoths de vingt et dix-sept minutes, May You Be Held (se partageant sur deux faces en version vinyle) et Consumed. C’est tout le Sumac qu’on adore, mariant sa sauvagerie démoniaque, ses élans bruitistes, fracassant noise, metal, hardcore, sludge et autres extrémités inavouables dans des constructions à plusieurs étages, en variant les climats, les cadences, l’intensité du feu, en vous avalant tout cru comme si de rien n’était en une seule bouchée généreusement infernale. Dans la compo May You Be Held, de quoi tailler plusieurs morceaux il était permis. Sumac fond toutes les parties en un impossible puzzle déployant une image cohérente. Chaque riff est un coup de matraque implacable et chaque coup de baguette est une mélodie volcanique. Dans ces cas là, Sumac puise au plus profond de ses peurs et met tout sur la table. De longues compos narratives, primaires et complexes, parfaitement ordonnées ou explosant dans d’imprévisibles intrigues, grouillantes, massives, décloisonnées. Avec un final étourdissant sur Consumed et une paire rythmique Nick Yacyshyn (batterie)/Brian Cook (basse) affolant les compteurs comme rarement. Très impressionnant. J’en veux tous les jours des comme ça.
May You Be Held n’égale pas la réussite de Love In Shadow mais procure suffisamment des moments de bonheur intense (si jamais il est possible d’appeler ces tremblements de terre ainsi) pour être durablement captiver par ce nouveau pavé de Sumac.

SKX (01/12/2020)