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Scarcity Of Tanks
Dissing The Reduction – CD
Total Life Society records 2019

Les très prolifiques Scarcity Of Tanks. Le groupe de Cleveland sort son dixième album en douze ans. Et pas des albums au rabais. Dissing The Reduction, ce sont 21 titres, une heure quinze de musique. Et la présence de seize musiciens derrière son indéboulonnable géniteur et chanteur Matthew Wascovich. Contrairement à son dernier album Hinge plus concis, Scarcity Of Tanks repart vers un album protéiforme dans la lignée de Garford Mute et Ringleader Lies. La liste des contributeurs est éloquente et compte parmi les plus beaux noms du milieu indé américain. Doug Gillard (Guided By Voices), John Talley-Jones (Urinals), Tom Watson (The Red Krayola), Nels Cline (Wilco), Dennis Callaci (Refrigerator), Alan Bishop (Sun City Girls), Jonny Bell (Crystal Antlers) mais aussi deux habitués des lieux, Mike Watt (Minutemen) et Norman Westberg (Swans). Et à l’instar de cette liste d’invités évoluant dans des champs musicaux très variés, Dissing The Reduction est un album d’une grande générosité et richesse dont il ne va pas être facile d’en faire le tour sans oublier un aspect.
Dissing The Reduction, un disque de post-punk déviant, avant-rock, punk expérimental, pop non-conventionnelle ou revisitant l’americana à sa sauce, aussi mélodique que dissonant, limpide qu’abstrait. Vous pouvez donc entendre du The Ex sur certains passages rythmiques et plus généralement, par la façon de chanter de Wascovich. Du Saccharine Trust et autres groupes de hardcore iconoclaste qui ont fait la renommée de chez SST records. Les cousins anglais de Membranes pour la manière d’accommoder les différents courants punk dans une matrice aussi exigeante qu’avenante. Et on pourrait continuer comme ça pendant longtemps, citer Captain Beefheart par exemple et bien d’autres, à commencer par les propres groupes dont sont issus les invités. Mais à la fin, c’est Scarcity Of Tanks qui gagne. À être plus connu certes mais par le fait que cet incroyable groupe/collectif assène une qualité d’écriture assez édifiante malgré la quantité impressionnante de morceaux qu’il a publié (comme pour tous ces abondants disques, Dissing The Reduction comporte quelques morceaux plus secondaires mais ce n’est qu’un détail).
Et surtout, il a su trouver au fil des enregistrements une personnalité aussi attachante qu’originale faite à partir d’un matériel qui n’a pourtant rien de tape à l’œil. Ou comment rendre l’ordinaire étonnant, trouver de la consistance à partir de morceaux qui pourraient passer inaperçus dans d’autres mains.
Scarcity Of Tanks, aussi à l’aise dans des compos à la structure plus classique, rock et accrocheuse (When We Disappear ou Jacket) que les morceaux au long cours (les dix minutes sublimes de Residents Of The Force Field et les sept de River Rat Knows Chemistry). Mais aussi les digressions doucement tortueuses ou de courtes mécaniques malicieuses ou furibardes, les morceaux étranges et déglingués comme Torpedo, la légèreté et l’intensité sur un fil (le prenant Magnolia), la mélancolie qui colle au dos comme un fardeau (Ordinary People) et le groove grondant d’un entraînant Crushing The Androids. Dixième album et toujours un grand plaisir renouvelé dont on ne fait jamais le tour.

SKX (02/04/2020)