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Rien Virgule
Le Couronnement Des Silex – LP
Permafrost/Zamzam/La République Des Granges records 2019

Une chronique tardive de l’album Le Couronnement Des Silex par Rien Virgule et dont l’écoute a pris une tournure très triste. Un des membres du groupe, Jean-Marc Reilla, est décédé le 3 juin 2019 à l’âge de 44 ans, juste après la publication de ce second album. Quatre années de gestation à la suite de Trente Jours À Grande Échelle pour accoucher dans la douleur de la part de ce groupe minutieux d’un disque qui prend un destin tragique.
Dans une présentation-biographie, Jean-Marc Reilla se définissait comme un forgeron. Je tord, chauffe les structures et manipule les sons et les objets (...) ou invente des installations sonores afin de créer des sons et de les mettre en musique. Sur Le Couronnement Des Silex, il est crédité au poste de Dispositif électro-acoustique. Avec l’aide de Manuel Duval (synthétiseurs, samples), Mathias Pontevia (batterie) et Anne Careil (chant, synthé), la musique de Rien Virgule n’est pas qu’une histoire d’ambiances, de textures sonores et encore moins de techniques de bricoleurs de génie. La musique de Rien Virgule raconte une histoire. Elle vous prend par la main, elle vous emmène dans des contrées étranges et oniriques, laissant divaguer les chimères entre peur et fantasmagorie, traçant sans sourciller sa route entre machinerie et organique, entre kraut-rock impressionniste, symphonie concrète et électro minéral.
Cinq longues compositions où il est permis de déambuler comme dans un labyrinthe dont la seule issue possible serait par les airs, par une élévation quasi mystique que confèrent ces pièces musicales dont les reflets sont striés d’une lumière mystérieuse. Le chant de Anne Careil vous soulève plus d’une fois, beau et poignant comme sur le magnifique Zanne Nel Velluto quand, au bout de cinq minutes trente-trois et une seconde de blanc, une partie totalement différente se révèle sous les sonorités d’un orgue, de ce qui ressemble à la mélopée d’un violon, annonçant un chant liturgique céleste à faire chialer et se croire chez Dead Can Dance. Un chant toujours aussi troublant, en italien mais universel avant tout, aux intonations et jeux de langues variés, jusqu’aux miaulements légèrement crispants sur La Visite Aux Animaux Plâtrés, un chant qui enveloppe, berce, se durcit, aiguise les sens et porte sur son dos ailé le message d’une musique multiple qui amène à la transe à travers des éléments rock, expérimentaux, symphoniques, électroniques et bien d’autres germes qui les entourent quotidiennement et ont nourri ces morceaux envoûtants, intemporels, aux mélodies obsédantes et aux rythmiques/mécaniques aussi primitives qu’inventives.
L’aventure Rien Virgule est hélas très certainement terminée. Il reste pour l'éternité deux albums uniques, originaux, des concerts qui étaient de véritables expériences sensorielles, une parenthèse enchantée et tragique qui a fait un bien fou.

SKX (02/02/2020)