reptoid
learningcurve


























Reptoid
Worship False Gods – LP
Learning Curve records 2020

Reptoid est Jordan Sobolew. Jordan Sobolew est Reptoid. C’est donc ce qu’on peut communément appeler un disque solo. Et ça il fallait le savoir. Ou le lire. Parce que l’entendre, c’était impossible. Ce n’est pas la première fois que ce genre de méprise arrive mais c’est fou ce qu’on peut faire de bordel tout seul en sonnant comme une armée. Un gars d’Oakland qui donne vie à un premier album en s’impliquant corps et âme. Derrière sa batterie qu’il malmène, il s’attache un masque sur la tronche pour chanter, actionne avec le pied gauche un dispositif sonore fait maison avec quantité de pédales d’effets et triture un sampler avec le bras toujours coté gauche entre deux coups de baguettes. Tout ça en direct, sans ordinateur. En un mot, impressionnant. Et qui mérite d’être vu.
Worship False Gods débarque après six années à peaufiner Reptoid, après différents formats courts dont un titre laissé sur le vol. 14 de Dope, Guns & Fucking In The Streets de l’emblématique Amphetamine Reptile records et c’est un coup de maître.
Noise-rock à la forte assise rythmique (étonnant, non ?) traversé par des décharges électro-bruitiste et baignant dans une aura industrielle. Voilà pour le décor général. Qui a servi fut un temps également comme toile de fond pour des actes expressifs comme Cop Shoot Cop ou Pop 1280. Bonjour l’angoisse et la paranoïa.
Jordan Sobolew frappe sur sa batterie comme si sa vie en dépendait et il le fait rudement bien. Et alors qu’il ne ménage pas sa peine et rudoie son physique, il arrive à chanter sans s’essouffler, sans hurler. C’est net, intense, chaque parole claque dans une intonation rauque mais largement audible. Worship False Gods trépigne, envoie du boulet, lézarde les amplis avec des sons malsains qui fusent, des éclairs blancs qui grillent les orbites et désorientent, de sourdes et colériques vibrations soulevant des gerbes de terres lourdes et noires. C’est futuriste mais bien réel. Le souffle encore chaud sur ta nuque. Organique transpirant des boulons d’acier chromé. Reptoid dégage une puissance solitaire renversante dans les méandres de morceaux magnétiques, kafkaïens mais heurtant de plein fouet le lobe frontal, source de tous les chocs absorbant sans broncher les séries d’uppercuts froidement décochées. Une atmosphère martiale, combative, une transe convulsive et éperdue et des morceaux qui marquent en profondeur comme le tournoyant Shifter, Probed, Implanted à la dramaturgie palpitante, le fulminant This Is Progress ou I Drank The Punch terminant l’album du haut de ses huit minutes épiques et télescopées. Sans oublier Planned Obsolescence ouvrant Worship False Gods de façon magistrale ou Cerebral Wall, instrumental avec que de la batterie en doublette avec Max Senna plus quelques samples de guitares bien placés de la part de Joe Klein et Alex Woods, seuls individus autorisés à venir fouler les terres singulières de Reptoid. Un personnage haut en couleur, enragé, obsessionnel qui vient d’extraire de sa fournaise lui servant de cerveau une musique sacrément saisissante et sur laquelle il va falloir désormais compter.

SKX (18/12/2020)