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Repo Man
I Can Live With It If You Can, Son – LP
Stolen Body records 2019

Se confronter à la musique de Repo Man, c’est prendre un chemin sans connaître la destination, plonger dans des eaux tumultueuses sans brevet de natation, vouloir construire un meuble Ikea sans mode d’emploi. Le troisième album du groupe de Bristol n’échappe pas à la règle. Quatre ans après Minesweeping, I Can Live With It If You Can, Son marque le retour d’un groupe toujours aussi insaisissable et passionnant. Ce n’est pas un produit de consommation courante. Pas de risque qu’il soit dévalisé en premier. Il faut du temps pour l’appréhender, l’amadouer, que ces bienfaits se diluent dans vos esprits qui aiment les réponses claires et rassurantes. La vérité est toujours plus grise. En ce qui concerne Repo Man, elle gardera son aura mystérieuse.
Une musique qui raconte des histoires incompréhensibles. Pas de paroles écrites. Pas d’explication de texte. Seule indication, ce titre d’album qui dit beaucoup sans vraiment signifier quelque chose et la photo intérieure avec le tag Your future, your past, everything you never had = a dad suggérant des intrigues intimes et des relations difficiles ou inexistantes. Dans le rôle du conteur ou plus exactement du prédicateur fou, le dénommé Bojak qui donne le ton. Les années ne l’apaisent pas. Son flot est quasi continu, comme lancé dans un long monologue défiant les lois de la logique, de l’apesanteur et de la ponctuation. Il est animé par une énergie intérieure surprenante, se débattant dans son monde peuplé de personnages et de pensées que lui seul comprend. Son cerveau va exploser un jour, c’est certain. Même sur la photo de groupe, il semble parlé et agité.
La musique est à son image. Narrative, intense, maniaque, frénétique, déconcertante. Avec quelque chose de violemment viscéral et beau à l’intérieur. Les morceaux sont généralement longs (jusqu’à douze minutes pour l’opulent Moaty). Avec deux morceaux supplémentaires offerts avec le coupon de téléchargement. Le parcours est cabossé, ne suit pas une progression normale, n’est jamais monotone. Les rebondissement sont multiples. Les instruments se croisent, s’entrechoquent. Le chant tente de bouleverser le rythme. Sait heureusement la mettre en veilleuse. Varie en intensité et ainsi va la musique. Des bouts de partitions qui s’assemblent par des fils invisibles et c’est à ce prix là que tout s’éclaire, que les morceaux prennent de la hauteur et deviennent immenses plus d’une fois. Les mélodies se font jour (May I Interject), les harmonies grattent à la porte, des accords apaisants se figent dans la marée. Le feeling jazzy se mélange aux dissonances acerbes. Les éléments fracassés se dissolvent dans un noise-rock revêche, expansif où les uppercuts font mal, chaque moment plus droit et carré faisant ainsi plus mal.
Un disque diabolique ne cherchant pas à reproduire ce qu’il entend autour de lui. Son univers est personnel, difficile parfois, ambitieux dans le bon sens du terme, intriguant et aliénant toujours. Il n’existe actuellement que peu de groupes sonnant comme Repo Man. C’est une chance alors profitez-en.

SKX (23/03/2020)