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MoE & Pinquins
Vi Som Elsket Kaos – CD
Conrad Sound records 2019

Publiée en décembre 2019, cette nouvelle production de MoE était la quatrième pour cette seule année. Stakhanovisme. Et la seconde en mode collaboratif après celle avec Mette Rasmussen. Pinquins viennent de Norvège tout comme MoE, évoluent aussi en trio et se consacrent essentiellement à l’exploration de toutes formes de percussions (y compris leurs corps) et de nouvelles sonorités. Tout ce que vous entendez de cliquetis, frottements, chocs, cognements et autres éléments percussifs étranges sont l’apanage de ces trois filles qui assistent également au chant Guro Skumsnes Moe, l’habituelle bassiste de MoE.
Alors rythmique, cet album l’est, indéniablement. Mais il est bien plus que ça. Ce n’est pas un disque seulement expérimental, de musique improvisée ou abstraite et si Vi Som Elsket Kaos signifie Nous qui aimions le chaos (d’après les outils de traduction en ligne parce que le norvégien et moi, ça fait deux), chaque compo possède un cadre bien défini n’explosant pas dans des directions trop free, un cadre rock où la patte de MoE se fait sentir, bien que la guitare soit très discrète. Cela n’empêche pas les six protagonistes de proposer des structures originales, des formats de chansons aventureux, narratifs, piégeux, concassés mais aussi emprunts d’une poésie surréaliste et d’atmosphère troublante à l’instar de God Natt ! (bonne nuit !), berceuse légèrement angoissante sur les bords et qui vire au cauchemar. La dureté du noise-rock de MoE se confronte à l’inventivité et la richesse des rythmiques de Pinquins qui peuvent s’avérer très mélodiques. La délicatesse d’un jeu tout en pointillé sur les percussions (Der Sorte Hull, superbe longue pièce rampante à multiples recoins) installe de la légèreté après la fin hyper bruitiste de Skyggene qui n’est pas sans rappeler Alboth!.
Moe & Pinquins soignent les ambiances, soupèsent les silences, insufflent une sourde tension, mettent subitement de l’impact, cognent dur avant de revenir à des bruitages bizarres ou oniriques. Les chants et les différents manières de les envisager sont également une part importante de l’approche unique de ces deux trio regroupés, apportant aussi bien douceur et réconfort que cris retenus et flippants comme sur la fin de Den Ubehagelige Behagelighet (Le Confort Désagréable) jusqu’à devenir les instruments principaux de Drømmen avec un ensemble de vocalises inquiétantes de succubes, d’une narration semblant venir d’un sample et une multitude de complaintes et cris venant déchirer un air fortement anxiogène. Mais tout ça se termine bien avec l’iconoclaste et marrant Før Hanen Galer, bras dessus, bras dessous et accordéon, pour un titre d’adieu ressemblant fort à une reprise d’un air folklorique.
Une belle rencontre débouchant sur un album singulier aussi beau que désorientant et étrangement captivant.

SKX (28/03/2020)