lotlizard
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Lot Lizard
s/t – CD
Total Drag/Different Folk records 2019

Quand je vois Lizard dans le nom d’un groupe, mon sang ne fait qu’un tour. Mais ce Lizard là ne marche pas sur l’eau. Il serait plutôt du genre à battre le bitume des parkings puisque Lot Lizard, dans l’argot américain, désigne une prostituée fréquentant les relais routiers en allant de camion en camion. Ça s’annonce glauque.
Lot Lizard, nouveau groupe originaire de Sioux Falls (Dakota du Sud), n’est heureusement pas aussi sinistre que son patronyme sans que ce soit la fête pour autant. Un ancrage assez fort dans le post-punk, étiquette suffisamment large et insignifiante pour mettre tout et n’importe quoi dedans mais qu’il est possible de resserrer pour Lot Lizard entre Diät et Protomartyr, entre une approche punk grâce à une section rythmique solide et carrée et des élans mélodiques très prononcés, entre nervures électriques comportant son lot d’élégance et une tristesse suintant continuellement des dix morceaux, comme si Lot Lizard était sans cesse sur la retenue. Et le chanteur n’est pas étranger à ce sentiment ambivalent. Un chant souvent traînant, comme détaché de ce qu’il raconte, narrateur observateur qui regarde le monde se disloquer autour de lui et cela semble le laisser totalement indifférent. Il sait aussi briser la glace, prendre des intonations plus appuyées, voir parfois légèrement maniérées pour se fondre parfaitement dans le paysage d’une musique qui sait elle aussi slalomer entre les émotions.
Une musique qui aime l’air, mettre de l’espace entre chaque instrument pour que chaque coup compte double, prendre son temps donc, laisser les vapeurs lentes s’installer et mettre quelques taquets mais toujours avec classe, réchauffer l'ambiance qui peut paraitre parfois trop froide et austère, insuffler une tension noisy en fin de chanson pour emballer les plus sceptiques. Et à ce petit jeu là, le guitariste apporte grandement sa contribution avec de nombreux phrasés mélodiques et d’arpèges aussi harmonieux que tranchants, des éclats aussi bruyants que cristallins pour sculpter en finesse des morceaux tels que Judas, City, Skies ou CJ (avec son petit swing à la guitare qui rappelle justement un Lizard bien plus connu) séduisants, nerveux, sobres et racés alors qu’Evelyn vous fait les yeux doux que ça devient presque louche. Quelques atermoiements qui ne saurait gâcher une impression générale très favorable d'un groupe qu'il va falloir suivre.

SKX (04/04/2020)