keverra
seeingred






Keverra
s/t LP
Seeing Red records 2020

Si tu as encore des illusions, Keverra va se charger de les enterrer. Premier album d’un trio de Los Angeles avec Mateo Pinkertone, un des nombreux batteurs qui s'est assis sur le tabouret de 16, Scott Renner (Goatsnake) et Kurk Stevens (Mayan Bull). Avec en plus Sanford Parker aux manettes, le sludge-noise de Keverra n’est pas prêt de voir le soleil.
Un disque qui sent l’enfermement, la strangulation lente et sadique, le plomb avec lequel tu vas nettoyer ta cervelle. Dans le rayon des musiques lourdes et poisseuses, Keverra a choisi l’option claustrophobie et hermétisme. Keverra ne s’ouvre pas, reste dans l’obscurité pour le plaisir de l’obscurité, le grave qui plombe définitivement l’atmosphère. On voudrait parfois respirer, voir une étincelle de lumière ou carrément se faire exploser pour de bon dans un déchaînement de violence sans pareil. Mais Keverra vous garde volontairement la tête sous l’eau. Joue avec les nerfs et la tension. Ça cogne dur mais l’hématome est bleu et froid. La confrontation est grandement palpable et incessante, harcèle tout le temps mais l’attaque n’est jamais vraiment frontale, frôle le système de mise à feu mais répand son venin de façon bien plus insidieuse. Un disque agressif mais avant tout retors. Il faut un peu de temps pour s’immiscer dans les méandres rampants de la bête. Prendre la mesure de la déflagration à plusieurs visages. Avec des pièges à l’intérieur pour détourner l’attention. Quatre morceaux (sur les dix) qui sont des pièces instrumentales expérimentales, ambiantes, angoissantes et brèves sauf pour Bitter Air To Exile qui prend son temps pour foutre les jetons. On s’oxygénera une autre fois. Signe surtout d’un groupe dont le champ musical est plus large et travaillé - les mains pleines de terre - qu’il n’y parait. Noise-rock, metal-hardcore, doom, un chant qui rappelle parfois le fiel d’un Today Is The Day, un mélange de brutalité épaisse et de profond désespoir qui colle, des sentiments torturés et de gros parpaings dans la tronche, des riffs sanguinaires glissant ici et là de légères traces de spleen et une pesanteur possédant de la vigueur pour déplacer la montagne, des morceaux ne semblant pas décoller mais qui finissent par marquer en profondeur. Ce disque peut sembler opaque, il ne cherche pas à plaire mais il provoque au final un bel effet nihiliste.

SKX (10/06/2020)