ides

Ides
Hikikomori – LP
Self-released 2020

Hikikomori, un terme désignant les individus, souvent jeunes et masculins et pas seulement au Japon, qui ne prennent plus part à la société et vivent retranchés chez eux ou leurs parents. Autant dire que pour ces personnes, le confinement est de la rigolade et passe inaperçu. Ides ne vient pas du pays du soleil levant. Le New Jersey est leur état. Et publie donc Hikikomori dans un timing parfait avec les évènements (c’est leur deuxième album, le premier en vinyle après une cassette en 2016, Born To Run In Place, décidément c’est une idée fixe chez eux).
Par contre, cette musique n’est pas prévue pour les espaces cloîtrés et la méditation. C’est du domaine du hardcore, un hardcore particulièrement explosif, acéré, transperçant et surtout très varié. Hors de question ici de qualifier ces treize morceaux de compacts balancés d’un seul long jet continu. Un hardcore qui se révèle fluide, mélodique, complexe sans que ça parte dans tous les sens, fracassant et chirurgical, avec un méchant groove propice à se démonter la nuque ou beaucoup plus punk et basique ou envoyant du blast-beat vicieux à fond la gomme, une approche aussi expérimentale que old-school sur certains passages, des riffs trashy et des arpèges harmonieux.
C’est d’ailleurs tout le charme de Hikikomori. L’impression de déjà entendu et une fraîcheur bluffante, ce mélange de tradition revisitant tout l’histoire des courants hardcore pour en faire une musique personnelle et fortement addictive, une combinaison de hardcore, punk, metal, noise, rock, noise et emo débouchant sur un disque extrêmement cohérent. Parce que la clef de voûte de Hikikomori, c’est que Ides sait écrire de super bons morceaux, de fondre toutes ces influences dans une écriture racée et efficiente. Rien que la compo d’ouverture Dog Bite/Bee Sting est un must. Un départ tout calme en trompe l’œil, une chouette ligne de basse à l’apparence inoffensive comme la guitare avant une brusque gifle, un son qui fait péter les enceintes et un morceau qui pulse autant qu’il est mélodieux et contrasté, tout comme les sept minutes du très bon All For Naught terminant le disque et résumant idéalement la force de frappe à têtes multiples de Ides. Entre les deux, quelques baisses de régime mais dans l’ensemble, c’est un ouragan d’émotions contradictoires avec pour couronner le tout, la chanteuse Jillian Keats et ce grain écorché et urgent dont je raffole pour finir de donner un vernis révolté et convaincant. Et elle n’est pas la seule à donner de la voix. Trois chanteurs sont invités sur quatre des treize titres, plus les nombreux chœurs de ses acolytes mâles pour rendre la palette d’émotions encore plus large et intense, mordre dans le bout de gras seul ou à plusieurs, hargneux, mélodique, apaisé ou entraînant comme sur la fin de Yake-Niku. Hikikomori brise les murs et donne un bon coup d’air frais au hardcore.

SKX (19/04/2020)