fatpossum

Rowland S. Howard
Teenage Snuff Film – 2xLPs
Fat Possum records 1999/2020

Rowland Stuart Howard avait seize ans quand il a écrit Shivers, son premier morceau marquant quand il jouait avec Young Charlatans en 1975. Il en avait cinquante quand il s’éteint le 30 décembre 2009. Entre les deux, mille vies brûlées à chaque fois avec la même intensité et le suicide à petit feu, un pacte avec le rock que l’Australien à tête d’ange déchu n’a jamais résilié avec The Boys Next Door, The Birthday Party, Crime And The City Solution, These Immortal Souls ou des collaborations avec Lydia Lunch et Nikki Sudden.
Curieusement, il a fallu attendre 1999 pour voir un disque publié sous son propre nom, le sublime Teenage Snuff Film. Et vingt ans de plus pour enfin se procurer ce double album qui vient d’être réédité par Fat Possum pour les États-Unis (Mute pour l’Europe et Bloodlines pour l’Australie), un objet devenu tellement rare que son prix en occasion était devenu indécent. Trois faces gravées, la dernière étant une gravure d’une illustration de Howard à même le sillon, contrairement à la première édition en vinyle qui a attendu 2001 grâce à Radio One ou celle de Liberation Music, toujours en 2001, seule édition comportant Ocean, une reprise de Lou Reed. La pochette n’est plus gatefold.
Mais pour le reste, tout est à l’identique, c’est à dire aussi sombre qu’au premier jour, dix compositions essentielles qui vont enfin pouvoir trouver leur public. Accompagné de Mick Harvey (batterie, orgue), Brian Hooper à la basse (Kim Salmon And The Surrealists, The Beasts Of Bourbon) et décédé en avril 2018 ainsi que quelques invités dont Genevieve McGuckin (These Immortal Souls) et Steve Boyle (Hungry Ghosts) batteur sur Autoluminescent, Rowland S. Howard signe tout simplement ses meilleures compositions. Plus noir que le noir, il y a le désespoir, l’auto-destruction, la toxicomanie, l’amour qui se refuse, l’abandon, les obsessions, un cynisme profond sous un voile de romantisme, une vie qui fout le camp racontée avec toute la retenue, la fragilité et l’élégance habituelle de Howard. Même son chant qui n'a jamais été son point fort, quasi fantomatique avec These Immortal Souls, prend des élans cassés et sensibles se fracassant à merveille dans des morceaux qui n'auraient pas pu supporter une autre voix.
Les arrangements de cordes sur Dead Radio, le tumulte du magnétique Undone, les accords de la fidèle Fender Jaguar de Rowland S. Howard qui cristallisent chaque morceau et les rendent plus beaux et tragiques comme si elle était un prolongement naturel de ses propres nerfs et angoisses, les mélodies à se damner et à pleurer de Silver Chain avec son violon ensorcelant et Autoluminescent, le dépouillement de Breakdown (And Then…), la classe d’un Exit Everywhere jusqu’au larsens et feedbacks clôturant pendant de longues minutes l’album sur l’abrasif Sleep Alone, les deux reprises qu’il s’approprie avec une facilité déconcertante (White Wedding de Billy Idol et surtout une superbe version de She Cried, écrit par Ted Daryll et Greg Richards en 1961 et popularisé par les Shangri-Las sous le titre de He Cried), tout concourt à faire de Teenage Snuff Film un grand album qui a été hélas largement sous estimé. Vous n’avez désormais plus aucune excuse pour ignorer ce magnifique disque.

SKX (17/04/2020)