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prosthetic

The Ditch And The Delta
s/t – LP
Black Lung Industries/Prosthetic records 2020

C’est le genre d’album pas franchement singulier, vous savez où vous flanquez les pieds mais il est redoutable d’efficacité et c’est sur l’ouvrage à remettre sans cesse son foutu métier qu’il finit par être royalement lustré.
The Ditch And The Delta, un trio de Salt Lake City qui met la branlée au hardcore-noise tendance sludge en se calant dans les pas d’un Neurosis qui ne tergiverse pas, Kowloon Walled City quand tout n’est que ruines et saccages ou les moments les plus violents de Old Man Gloom, voir le point de non retour de Sumac. Bref, rien qui n’approche les termes légèreté et baliverne. Et dans ce registre qui en connaît un rayon dans le domaine des prétendants, The Ditch And The Delta fait partie du gratin, dès ce second album qui fait suite à Hives In Decline en 2017 et valait déjà son bâton de dynamite.
Mais là, le sacrifice est encore plus incroyable de lourdeur (le mot est faible), de méchanceté, de bestialité mais aussi de beauté, le truc qui fait plier les âmes damnées et offrir aux plus faibles la pitié des plus cruels. Alors quand une sourde mélancolie pointe son drôle de museau chafouin sur Aesthetics Of Failure, les sept minutes d’une vertigineuse chute en rappel se transforment en mort lente avec une guitare déchirante en plein milieu d’une agonie qui vous retourne sans coup férir. Il est permis d’avoir l’oeil humide et c’est pas à cause du vent de face dans les yeux.
De manière générale, ce vent est une immense bourrasque. La section rythmique opte pour la politique de l’écrasement. Une dantesque puissance alliée à une vitesse étonnante vu le poids de l’attelage, jusqu’à donner l’impression d’avoir deux batteries sur le prodigieux Hiraeth. Des compos ne croulant jamais sous leur propre centre de gravité très bas. Les riffs illuminent régulièrement cette grosse masse sombre pour de poignantes mélodies (Exile ou la surprenante sonorité de la guitare et son non-moins surprenant riff-gimmick sur Tectonic Selves). L’agilité et la dextérité de Elliot Secrist (guitare, chant), Kory Quist (basse, chant) et Charles Bogus (batterie) alimentent le brasier de flammèches tonifiantes pour faire décoller et briller l’imposant animal. Les deux chants éructant régulièrement ensemble apportent chaleur et urgence. Et les morceaux sont suffisamment variés, remplis de changements de directions et de cadences et de structures mouvantes et rusées pour empêcher un sentiment de compacité et de redondance de se diffuser sournoisement. On ressent tout l’immense plaisir que The Ditch And The Delta a eu comme un seul homme à faire chauffer ce hardcore-noise palpitant, ce plaisir primaire et organique de jouer ensemble à se rendre sourd pour faire tourner des plans machiavéliques et farouchement jouissifs. Classique et incontournable.

SKX (19/05/2020)