couchslut
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Couch Slut
Take A Chance On Rock’n’Roll – LP
Gilead Media records 2020

C’est par un vicieux larsen que Take A Chance On Rock’n’Roll accueille l’auditeur. C’est aussi par un larsen que chaque titre débute. Et chaque titre se termine par un larsen. C’est plus ou moins long à chaque fois, ça fait plus ou moins mal. Le troisième album de Couch Slut va en mettre plein la tronche et faire gravement saigner. Ce qui était déjà le cas du précédent Contempt et encore plus lors du premier My Life As A Woman. Take A Chance On Rock’n’Roll est donc à nouveau un grand moment de flagellation. Le groupe de New York retrouve même une seconde flamme par rapport à Contempt et le retour de la seconde guitariste Amy Mills n’est pas étrangère à ce regain de passion.
Deux guitares au lieu d’une et le rock’n’roll de Couch Slut ne s’en comporte que mieux. Deux guitares qui permettent un jeu plus étoffé, d’insérer de pernicieuses lignes mélodiques amenant de suite les morceaux à un niveau de bonheur supérieur, à mettre plus de bordel, de barbelés, de puissance libératrice, de coups de fouet augmentant la dose de folie et d’intensité. Avec une bonne couche de noise il va s’en dire pour que tout crame sur leur passage jusqu’au bas cotés. Et rien de tel qu’un Ben Greenberg aux manettes pour alimenter le brasier.
Couch Slut commence donc cet album comme il avait fini avec Contempt, c’est à dire par une mortelle salve de trois morceaux directs, punitifs, punk-noise méchant et sauvage bien que ça commence déjà à partir en vrille sur le troisième, All The Way Down, avec ces guitares se barrant dans des partitions aliénantes et dérangées et la rythmique découpant tout ce qui dépasse. Ensuite, on ne sait plus très bien où on habite. Le rock’n’roll part sur une orbite que seul Couch Slut est capable d’assurer. Couch Slut n’est jamais aussi magnétique et captivant que quand il se transforme en boule de feu incontrôlable, que les compos deviennent de longues complaintes tordues et poignantes, des monstres de tension avec plein de désespérance rageuse, d’excès, de décadence et le chant ulcéré et furieux de Megan Osztrosits pour couronner cette impression qui est plus qu’une simple impression que tout est foutu, couru d’avance et qu’il faut foncer tête baissée dans le tas en hurlant sans se retourner.
Des titres comme The Stupid Man, I’m 14 et Someplace Cheap, c’est du Couch Slut de haute volée, celui qui nous fait perdre nos moyens et nos repères, nous plonge au cœur de la bête et de la bataille. Il faut toute la dextérité et la science du chaos de Couch Slut pour nous maintenir en vie, grâce à une splendide trompette (Amy Mills toujours) sur I’m 14, grâce à un rythme plus rampant et trompeur, grâce à un subtil piano (Wiley Deweese) qui sert de liant sans nom avant le final épique Someplace Cheap tout en ralenti annonciateur d’un grand drame. Couch Slut a retrouvé cette capacité à donner d’une main de velours ce qu’il reprend d’une poigne de fer et inversement, à présenter plusieurs visages qui se déforment tous sous le poids d’une intensité à couper au couteau, à mettre de la beauté crue en pleine débauche de violence, à rendre brutalement limpide des structures qui dévorent de l’intérieur avec des sons grouillant et saturés de partout. Si le rock’n’roll est envisagé sous sa forme la plus provocante, menaçante, enragée et sombre, il possède alors toutes ses chances pour survivre et Couch Slut pourra être grandement remercié d’avoir apporté un très beau pavé dans la mare.

SKX (20/10/2020)